Interview Saskia Jamar
(3 novembre 2017)
Connaisssez-vous l’ensemble Kiosk ? Ou Farniente ? Des groupes jazz/latino de chez nous qui se présentent au grand public d’une manière originale et surprenante. Chanteuse dans ces deux groupes est Saskia Jamar, d’une voix émouvante et très personnelle, formée dans la musique baroque. Saskia Jamar habite Mazée.
Voici une interview avec une grande dame du Sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
- Bonjour Saskia, tout d’abord un tout grand merci à nous accorder cette interview. La première question est devenue une tradition : vous êtes née quand et où ?
SJ : Je suis née en 1964 à Chatenay Malabry, en France (région parisienne).
- Initialement vous étiez intéressée à la musique baroque. Pourquoi la musique baroque ? D’où vient cet intérêt ?
SJ : J’aime sa structure, son expressivité toute en légèreté, et sa liberté avec des possibilités d’improvisation lorsqu’on reprend un thème. Je trouve cette musique très riche et parfois très « moderne » (dissonances, rythmes,..)
De plus, la musique baroque convient à mon timbre de voix.
- Vous avez fait des études dans ce style de musique ?
SJ : Oui, mes premiers cours de chant reprenaient un répertoire de musique baroque (Michel vanden Bosch, Anne Loubris, Marie-Martine De gueldre) ainsi que mes premiers stages (à Spa, à Libramont avec Greta De Reyghere, avec Olga Peitarch et Marco Horvat de l’ensemble Faënza).
Je me souviens qu’en sortant de mon premier cours de chant, je me suis dit : « ce n’est pas cher pour une
psychanalyse ! » Tellement, je me sentais bien dans ma peau (et dans ma voix) ; j’avais enfin trouvé mon instrument !
- Qui étaient vos exemples d’antan ?
SJ : Agnes Mellon, Montserra Figueras, Gérard Lesne, Andreas Scholl, Marco Beasley…
- Pour quelle(s) raison(s) avez-vous choisi le jazz, après cette formation classique?
SJ : Je continue toujours à chanter de la musique baroque dans un ensemble vocal et parfois en soliste. J’ai toujours trouvé des
liens entre le jazz et le baroque. Le jazz m’a permis de développer les notes graves de ma tessiture (soprano), d’exprimer la douceur et la sensibilité, de travailler le rythme et
l’improvisation. J’aime l’échange qu’il y a entre les musiciens, le côté non figé des prestations, la créativité que le jazz permet.
- Quelles sont -pour vous- les personnalités dans le jazz qui vous ont influencé et qui vous influencent encore?
SJ : Billy Holliday, Stacey Kent, Diana Krall, Gerry Mulligan, Jao Gilberto, Jobim, Chet Baker,le saxophoniste Claude Martial ( J ), ...
- Parlons maintenant de Kiosk, votre ensemble de latin-jazz. Comment Kiosk s’est fondé ? C’est quoi Kiosk pour vous ?
SJ : Kiosk est notre projet à Claude Martial et moi. Nous avions envie de jouer de la musique latine ensemble ; à nouveau celle-ci convenait bien à mon style de voix et à ma technique vocale.
Nous avons commencé à travailler des standards (essentiellement de
Jobim).
- Vous jouez des standards, mais vous jouez aussi vos propres compositions. Comment celles-ci sont créées ? Pourquoi le choix de faire des textes en français ?
SJ : J’aime écrire des textes plutôt poétiques mais aussi humoristiques.
Mon premier texte de chanson est « Mon Hêtre » et avec Claude, nous l’avons mis en musique. Ensuite nous avons écrit soit ensemble (Samba Crotoy), soit chacun de notre côté ; comment s’exprimer autrement qu’en français ? J’ai voulu mettre en chanson des textes, des poèmes, des histoires, des révoltes.
L'ensemble Kiosk au Castle Jazz 2017. De gauche à droite : Olivier Hage (contrebasse), Jérémy Frisch (piano), Claude Martial (saxophone), Olivier Radermecker (batterie), Saskia Jamar (chant)
- Les textes me semblent engagés et très personnels. Que voulez-vous exprimer ?
SJ : Mes textes sont en effet assez personnels. J’y exprime l’amour, la
révolte (Printemps pourri); j’aime aussi avoir un recul ironique sur la vie ; je n’ai pas peur de me moquer de certains événements (Ode à la crise ou Allergie). Claude écrit
différemment, je pense, car la musique et l’écriture vont de paire. Certains textes sont très sensibles et d’autres semblent plus
« servir » la musique et le rythme. Il aime surtout raconter des histoires.
- Présentez-nous les autres membres de Kiosk.
SJ : Claude Martial au saxophone et compositions, mon compagnon.
Olivier Hage à la contrebasse, Olivier Radermecker à la batterie et Jérémy
Frisch au piano.
- J’ai vu Kiosk au Castle Jazz à Silenrieux cet été. Cela m’a beaucoup plu, particulièrement par son originalité. Malheureusement juste à cause de cette originalité je pense que trouver des concerts, ce n’est pas évident. Quelle est votre expérience ?
SJ : En effet, les amateurs de chansons françaises ont souvent un
préjugé vis-à-vis du jazz (« trop de musique » m’a-t-on une fois déclaré) et les amateurs de jazz ne s’intéressent pas aux paroles (je généralise). De plus, nous écorchons les rythmes
latins en nous les appropriant et là, c’est aux puristes de musique latine que nous ne convenons pas !
- Il y a l’enregistrement de la chanson ‘Ode à la crise’, parue sur la compil de la Fédérock (2014). Encore d’autres enregistrements ? Peut-on espérer un CD ?
SJ : Sur soundcloud , nous avons plusieurs morceaux enregistrés avec notre ancien bassiste (électrique). Ces enregistrements ne sont pas satisfaisants à nos yeux (ils demandent à être travaillés d’avantage).
Nous désirons enregistrer un cd (la matière existe : nous avons plus de 15 morceaux originaux) mais il faut pour cela que tous les musiciens trouvent le temps nécessaire pour répéter et enregistrer.
Il y a aussi le projet ‘Farniente’. Racontez-nous.
SJ : Farniente est un pour l’instant un trio qui rassemble Claude, moi-même et Julien Martial, jeune guitariste prometteur, encore élève à l’IMEP. Nous reprenons des morceaux de styles différents (reprises de Gainsbourg, standards de jazz, de latine jazz, mais aussi du classique, du Cohen, du Clapton…) ainsi que des compositions de Claude ou de moi-même.
Dans ce trio, Claude joue de la guitare ou du saxo, parfois il se met aux percussions. Par notre style de jeu, Farniente donne une couleur (assez douce) aux différentes musiques.
Farniente à Couvin le 21 juillet 2017. De gauche à droite : Saskia (chant), Julien Martial (guitare), Claude Martial (guitare, saxophone, percussion)
- Et encore : vous chantez avec l’Ensemble vocal ‘Pays noir’ de Charleroi. Ici le répertoire est plutôt classique. Les podia se trouvent dans les églises. Une expérience totalement différente ?
SJ : Oui, j’aime avant tout chanter de la musique A Cappella, de la musique sans micro . Utiliser l’acoustique, sentir un élan qui tire la voix, vous emplit d’une satisfaction très grande et d’un grand sentiment de plénitude.
Utiliser sa voix comme instrument, faire partie d’un ensemble, équilibrer les
voix et essayer de les harmoniser afin qu’elles ne fassent qu’une, est une expérience dont je ne me lasse pas.
- D’autres projets ? Par exemple : peut-être une fusion baroque/jazz (proche : certaines pièces par Christina Pluhar et l’Ensemble Arpeggiata).
SJ : J’adorerais ! Mais, pour cela, je devrais faire des
rencontres. Je ne suis pas assez douée que pour créer un tel projet. Je reste à la disposition de celle ou celui qui serait intéressé…
- Parlons d’autres activités : vous êtes aussi programmatrice des concerts au Petit Rustique à Matagne-la-Petite. Heureusement qu’il existe dans la région un endroit comme le Petit Rustique où on peut écouter et voir des musiciens blues/rock/folk/jazz ... Comment vos sélections sont faites ? Qu’est-ce l’ambition du Petit Rustique ?
SJ : Le Petit Rustique est une ASBL, un café citoyen, un lieu vivant de découverte et de rencontres conviviales.
J’écoute tout ce qu’on m’envoie et je découvre ce qui est programmé ailleurs. Je ne recherche pas forcément la musique qui me plait à moi, mais d’une certaine qualité (je suis moins exigeante pour les musiciens de la région car le Petit Rustique est aussi un lieu d’expression) ; j’essaie de privilégier les groupes qui laissent une part aux compositions plutôt que les covers (bien que ceux-ci aient plus de succès), de varier les styles afin de permettre au public de découvrir des musiques très différentes.
- Pour terminer : vous êtes aussi vétérinaire à Mazée. Une autre passion ?
SJ : Et oui, j’adore mon métier, le lien que je peux avoir avec les
animaux et leurs « propriétaires ». Mais la musique est indispensable à mon équilibre.
- Si vous deviez choisir –disons- cinq à dix CDs/LPs/78 T ... de toute l’histoire de la musique, lesquels seraient vos favoris ?
SJ : Stabat Mater de Pergolèse avec Jarousky et Lezhneva
la Tarentella de l’Arpeggiata (avec Marco Beasley)
les 4 saisons de Vivaldi par Il Giardino Armonico (décoiffante version)
Paco Ibanez à l’Olympia
« Caress » de Marcel Kalifé
« A kind of Love » de Daffer Youssef
L’album où Duke Ellington joue avec John Coltrane
« Moanin » de Mingus
Jimmy Giuffre « Tangents in jazz » 1956
Billy Holliday (tout)
- Dernière question : un rêve ? Un souhait ?
SJ : Trouver l’opportunité de faire ce cd de nos chansons…
- Sur la compil' 001 de Fédérock (2014) la chanson"Ode à la crise" est reprise.
Interview : AvB - Photos : 1 & 2 : Christine Ruytinx - 3 : Marleen S. - 4. Concert au B'IZOU, Facebook Kiosk.