Le fabuleux destin du Château de Fagnolle de 1900 à nos jours.


8. Des fouilles

 

Peu après cette excursion historique, le Cercle des XV entamât les premières fouilles et dégagements.

 

"Une crapaudine avait été retrouvé lors du premier dégagement d’août 1928. L’autre qui était encore en place fut enlevée pour la soustraire à certains personnages avides de vieilles pierres, de ferronneries et de vieilles choses. Des éléments de fenêtre, de voûte ont été retrouvés. Diverses pierres telles que des cordons, des pierres de pavement et des battées de porte ont été soigneusement récupérés." (1)

 

Lors du déblayement de 1930, "on avait trouvé des débris tels que des déchets d’ardoises ayant passés au feu, une multitude de petits pavés de céramique vernissée, du torchis brûlé des débris de bois ou d’écuelles, de terrines, de pot en terre cuite et autres poteries en usage au courant du XV° et XVI° siècles". (2)

 

 

Le 23 juin 1930, le Cercle des XV procédait alors à l’examen des ruines du château. Un article à ce sujet a été publié dans le Bulletin des Commissions Royales d’Art & d’Archéologie de juillet-décembre 1930, sous le titre : ‘Fagnolle (Namur). Château. Restauration des ruines.’ (p. 39-40-41). Parce que cet article donne une très bonne idée de l’architecture d’antan et de l’état des ruines à ce moment, nous le reproduisons ici in extenso :

 

"Prenaient part à cette inspection : MM. Lalières et Claes, membres correspondants de la province de Namur ; M. J. Bastien, secrétaire communal de Fagnolle.

Le château de Fagnolle a une origine très ancienne ; il fut, d’après la légende, construit au XII° siècle par Baudouin IX de Constantinople. Il subit des remaniements importants aux XIV° et XVI° siècles et fut démoli en partie, ou tout au moins rendu inutilisable comme forteresse, par Guillaume le Taciturne, en 1555.

Il fut abandonné complètement en 1659.

Le château est orienté du nord au sud, l’entrée s’ouvrant vers le sud. Il se compose d’un vaste rectangle flanqué aux quatre angles d’une tour circulaire très élevée. Ces tours sont reliées entre-elles par des courtines.

Les bâtiments d’habitation, adossés à ces courtines, encadrent une cour intérieure.

Deux fossés et un mur d’enceinte protégeaient l’accès du château.

Le premier fossé, dont les traces subsistent, longeait le mur d’enceinte sur les côtés sud, est et ouest. Au nord, s’étendait un vaste étang dont on aperçoit, au loin, les anciennes berges.

L’étang et les fossés sont aujourd’hui à sec et convertis en prairies.

Une partie du mur d’enceinte et des vestiges de la première porte d’entrée existent encore du côté sud.

On accédait vraisemblablement à cette première porte d’entrée par un pont en bois terminé par un pont-levis.

Cette porte franchie, on se trouvait dans les lices de la forteresse. Là, un second fossé protégeait encore l’accès du château proprement dit.

L’entrée de celui-ci était défendue par un châtelet élevé au milieu du fossé. Ce châtelet, construit sur plan pentagonal, a le biseau tourné vers le sud.

Des quatre tours du château, celles du sud-ouest et du nord-est sont, seules, partiellement conservées. Des tours nord-est et sud-est, il ne reste plus que les fondations enfouies sous les décombres.

La tour nord-est se composait de huit étages. Elle a conservé à peu près toute sa hauteur avec une partie du parapet et du chemin de ronde supérieur.

On accédait d’un étage à l’autre, par des escaliers en pierre logés dans l’épaisseur de la muraille. Les deux étages inférieurs étaient, seuls, munis de meurtrières.

De la tour sud-ouest, il ne reste que les deux étages inférieurs, le second étage ayant conservé sa voûte en calotte sphérique.

Les courtines sont, aussi, assez bien conservées. Les restes de la courtine est, à l’endroit où elle rencontre la tour nord-est, sont suffisamment complets pour permettre une reconstitution fidèle. Elles étaient terminées par un chemin de ronde muni d’archères et de meurtrières.

Dans la courtine de l’ouest on remarque, vers l’intérieur, deux arcs de décharge en plein-cintre.

Contre la courtine nord s’élevait l’habitation du seigneur. La façade en est encore en partie conservée. On retrouve dans cette partie du château de nombreux détails d’architecture, tels : porte avec arc de décharge mouluré ; fenêtres à linteaux triangulaires ; jambages de cheminées ; consoles moulurées ; etc., etc.

Les courtines sont construites en matériaux irréguliers, tandis que les tours, moins anciennes, sont construites en matériaux appareillés et de grand format.

Dans le fossé qui entoure le château proprement dit gisent, du côté sud, deux fragments de tour tombés d’un seul bloc et ayant conservés, parfaitement, leur forme cylindrique.

Les travaux de fouilles entrepris par le Cercle des XV, ont permis de dégager partiellement l’entrée du château proprement dit. Celle-ci était constituée d’un avant-corps oblong, arrondi aux extrémités, qui s’avançait vers le sud à peu près au même niveau que les deux tours de flanquement sud-est et sud-ouest.

Les grosses dalles usées du seuil de la porte ont été mises à nu. Dans l’une de ces dalles, se trouve encastrée une pièce de fer dans laquelle tournait, sans doute, le gond de la porte.

Du côté est de l’entrée, un mur, percé d’un aqueduc, part rejoindre la tour sud-ouest.

Bien que les travaux de terrassements effectués jusqu’à ce jour ne soient guère importants, de nombreux objets en bronze, en fer et en terre cuite vernissée ont été découverts et déposés au domicile de M. Le Secrétaire communal.

Les pierres moulurés et taillées sont rangées soigneusement en vue de leur remploi éventuel.

Afin de permettre que les fouilles puissent être poussées plus activement, la Commission royale émet le vœu, étant donné l’intérêt historique que présente le château de Fagnolle, que l’État intervienne par un généreux subside dans le coût de ces travaux.

De son côté, le Cercle des XV a le devoir de confier à un architecte compétent tel par exemple, M. Bourgault, le soin de dresser les plans et le devis descriptif et estimatif détaillé des travaux qu’il propose d’exécuter et de les soumettre à l’avis de la Commission royale des Monuments et des Sites."

 

Dans : Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, I p. 68.

 

9. L’ouragan

 

Il semble bien qu’après ce rapport et ces directives, les travaux de fouilles et de restauration n’eussent pas de suite. Hélas !

 

Par contre, pendant la nuit du mardi 12 au mercredi 13 janvier 1932, un violent ouragan passait par Fagnolle. Le tour nord-est s’effondra. (3)

 

Plus tard, un malheur bien plus grave atteignait la région et le pays : la seconde Guerre Mondiale. Dans les ruines du château vinrent de nouveau le silence et l’oubli. Sauf que de temps en temps des photos de mariage y fut prises, des enfants y jouaient, et en 1960 l’institutrice de Fagnolle, Solange Robert, auteur de dix tomes sur l’histoire de Fagnolle, y dédiait un poème en Wallon :

Le château de Fagnolles

 

Du dessus du village il y a bien des années,

Tout enfant j'ai vu des ruines dans la vallée.

Il y a longtemps, bâti dans les marais,

Se dressait là sûrement un beau château.

On sait que des régiments du roi d'Espagne,

Du roi de France logeaient souvent dans les Fagnes ...

En 1554, sur deux-trois jours,

Henri II a mis tout sens dessus dessous !

 

C'est au XVIe siècle que Guillaume de Nassau

Démontait deux tours du vieux château.

Nos vieilles gens en parlait souvent ...

A rien près on rasait le château mes gens !!!

Le mortier depuis longtemps effrité

Faisait une masse de monticules près des montées.

Entre les vieux cailloux, des herbes écoutaient le vent :

Deux-trois tranches de graisse se chamaillaient.

 

Juste à l'entrée, sortant des murs tellement vieux

Et à deux pas, la-bàs, un grand fossé ...

On regardait les vieux murs tout troués,

Les belles vousssures et une quantite de petits pavés.

Près de la tour le duc hulote et la chouette jasaient,

Dans les noirs peupliers, les agaces (pies) bavardaient.

Par la grande fenêtre coup sur coup on regardait ...

On voyait bien le franc bois et une quarantaine de toits.

 

Enfant on coupait la haie à coup de bâtons

Pour faire une trouée dans les buissons ;

Je savais bien ou cueillir des noisettes ;

Les plus beaux noisettiers étaient à main droite,

Pour notre vieux, vieux moulin du temps passé.

Un pan de mur, deux-trois cailloux branlants ...

Le ruisseau de Fagnolles faisait tourner sa grande roue

Puis retournons vite jaser au village.

 

(traduction : Raoul)

 

Néanmoins, "d’année en année, on se rendait compte de la dégradation du site et que chaque hiver le marquait cruellement"(4). Il était donc bien temps que quelqu’un vint à nouveau sauver les ruines...

 

Texte : AvB - Correction : Valérie



(1) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, II, p. 111

(2) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, II, p. 26

(3) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, II p. 42

(4) Solange Robert - Ces Vieilles Pierres de Fagnolle, III p. 41