Le fabuleux destin du Château de Fagnolle de 1900 à nos jours.
13. En avant la musique !
Bien qu’ils y aient des infiltrations d’eau dans la Salle du donjon restaurée, elle fut utilisée sporadiquement pour des réceptions et
des petites fêtes. Il semble bien que le château revécût.
En 1989, quelques jeunes gens de Fagnolle et environs eurent l’idée d’y organiser un festival rock. Lowagie et ses Amis du château de Fagnolle étaient d’accord. Fagnorock fut né !
Lowagie : "Un château est un endroit qui doit vivre, il doit faire corps avec son village, il doit être un refuge, un lieu de
réunions et de rencontre. C’est pour cela qu’un festival comme ‘Fagnorock’ se situe tout à fait dans la continuité de notre travail". (0)
Pour la première édition, les organisateurs Daniel Guislain et Christophe Delire choisissaient surtout des groupes rock locaux.
Daniel Guislain : "Nous voulions faire de la promotion pour les groupes de la région et les présenter à un plus grand public, dans un cadre historique". (01)
D’après la présentation générale de Fagnorock : "Tout cela doit permettre de valoriser une culture qui est la nôtre, la culture
rock, motiver des organisateurs à programmer du rock, et surtout d’offrir, le temps d’une soirée, un spectacle inoubliable..." (02)
Les Phacochères à Fagnorock 1989 (photo reproduite avec permission)
"Ce qui est vraiment intéressant", nous dit Daniel Guislain, "c’est que, lors de la préparation du festival, durant quatre jours, les
adolescents de l’Institut Louis-Marie de Thy-le-Château s’inséraient dans notre équipe de bénévoles pour effectuer une tâche dans un objectif commun. Certains travaillaient avec les cuisinières
pour préparer les repas et assurer les services ; d’autres mettaient en place l’infrastructure du festival. Quelques-uns s’occupaient de l’accueil du public, d’autres encore, qui faisaient
preuve de confiance, s’occupaient de la sécurité. Ces jeunes ados logeaient à Olloy pendant un mois pour les préparatifs du château en camp pour les motiver et faire venir les plus méritants. Le
Fagnorock donnait la possibilité à des jeunes adolescents ‘à problèmes’ de s’affirmer comme personnes à part entière dans une tâche collective ayant des répercussions médiatiques" (1). L’institut Louis-Marie s’ouvre pour des "garçons et
filles, à partir de 7 ans, présentant des problèmes de comportement liés à un climat familial douloureux, l’échec scolaire, des difficultés relationnelles, de communication".(2)
La première édition de Fagnorock se déroulerait alors le samedi 8 juillet 1989. L’entrée : 250 F prévente et 350 F aux guichets.
Il y avait à peu près 500 personnes qui, pour la plupart du temps assis sur la prairie, se rejouaient d’une expérience extraordinaire. Pour les groupes, les organisateurs avaient prévu un podium,
aménagé dans la cour intérieure du château.
La journée commençait avec Les Phacochères, groupe de Couvin, qui jouait ses propres compositions à la rock-funk.
Venaient alors Les Roses Mortes, groupe de Chimay et environs. Le Roses Mortes, qui dans leurs robes noires, jouaient une "nouvelle musique d’enterrement, invitant plutôt à un voyage fantastique. De sa flute enchantée, le chanteur fit frissonner le public"(3). Ce groupe s’inspirait du groupe révolutionnaire français Magma.
Ensuite ce fut le temps des Toy Voices avec du rock anglo-saxon pour se faire fort apprécier. Les membres des Toy Voices venaient de différents groupes rock de la région.
Tombait la nuit.
Yancatooz ou Yancatoez fut le seul groupe venant d’ailleurs, pour être précis d’abord de Grammont et ensuite de Gand. Inspirés des Stray Cats, les trois musiciens de Yancatoez jouaient dans la tradition rockabilly et rock’n’roll. Eux-mêmes préfèrent leur musique d’être appelée : ‘psychobilly’. "Journée inoubliable", nous confirme son batteur/chanteur JB Stix, alias Jurgen De Beck, "un des meilleurs de nos concerts" (4). Le groupe n’existe plus à cause du décès du bassiste Jerome. En 1991 le groupe éditait le CD très énergique : Let’s Woy. (Les Disques Du Crépuscule, a emprunté chez PointCulture.)
"L’apothéose fut réservée aux Garde-fous de Fagnolle qui se sentaient finalement bien chez eux. Ici la musique rejoindrait la nuit, pleine d’étoiles et de rêves, pleine de ces dieux guitaristes faisant vibrer le ciel. Point d’orgue sur les Garde-fous et triomphe fermeture des rideaux.
Le château de Fagnolle ce soir-là n’avait plus rien d’une ruine. Ni festin, ni seigneur, ni rengaines mille fois entendues.
C’était assurément la fête de la musique neuve et franche, de l’initiative et de l’imaginaire, de la jeunesse enivrée de l’été."
(5)
Après un tel succès et une telle ambiance, les organisateurs n’hésitaient pas à programmer une deuxième édition en 1990.
Les Yancatoez aux ruines en 1989 (photo reproduite avec permission)
Les Garde-fous aux ruines en 1989 (photo reproduite avec permission)
14. Ouverture vers l’est ! Ouverture vers l’ouest ?
Pour annoncer cette deuxième édition, une conférence de presse fut organisée le 8 juin 1990 dans les ruines du château. Daniel
Guislain, directeur du festival, Christophe Delire, chargé des relations publiques, et Luc Lowagie, ‘châtelain’ et hôte du festival, accueillaient les journalistes.
Ils expliquaient qu’à nouveau de jeunes adolescents ‘à problèmes’ de l’Institut Louis-Marie participaient, indiquant la mission sociale du festival. Mais, cette année-là, il y avait plus : le festival devrait permettre de "tisser des liens de culture ‘rock’ entre l’Est et l’Ouest". Ainsi, ils invitaient le groupe rock Izgoï de Kiev au festival. En échange, les Garde-fous envisageaient de participer à un festival rock à Kiev.
Il faut savoir qu’une année avant, en 1989, le rideau de fer fut démantelé, y compris le mur de Berlin en novembre 1989. Après la
seconde guerre mondiale, une frontière fut créée à l’initiative de Staline et Khrouchtchev, usant des lignes de barbelés, des champs de mines et des miradors armés de mitrailleuses entre l’Europe
et les États européens sous l’influence soviétique, connue comme le rideau de fer, dont le mur de Berlin faisait partie. Le but était d’empêcher le passage de l’est vers l’ouest. Ce n’est qu’en
1989 que ce rideau de fer fut démantelé y compris le mur de Berlin en novembre 1989 (6).
L’ouverture vers l’est créait un optimisme politique dans le monde, qui était évidemment aussi sentie dans le monde artistique. Les
organisateurs de Fagnorock furent un des premiers dans la région pour découvrir la culture de l’ouest, sous forme de rock.
Les journalistes d’écouter les organisateurs :
" Pour inviter ces jeunes musiciens, nous avons procédé comme suit :
- nous avons envoyé des invitations officielles,
- nous avons prévu de quoi leur assurer logement et nourriture durant leur séjour,
- nous disposons de deux interprètes belges,
- nous avons contacté une compagnie d’assurances afin de prévenir tout risque de frais médicaux,
- nous sommes occupés à élaborer un programme qui leur ferait découvrir notre patrimoine culturel régional wallon (visite de musées, d’abbayes ...) et leur ferait déguster les spécialités locales".
Pour réaliser ce projet du côté financier, des cartes de support furent vendues au prix de 50 F.
Enfin, le groupe local ‘Les Garde-fous’ jouait l’avant-première et la conférence de presse terminait.
Hélas, comme nous disait Daniel Guislain, "bien que l’ouverture vers l’ouest était officielle, ce ne l’était pas encore en pratique.
Les membres du groupe Izgoï, qui avaient tous les autorisations officielles et les bons passeports, furent quand même arrêtés à la frontière polonaise et renvoyés vers Kiev. Nous avons tout
essayé, y compris de contacter l’ambassade, mais sans résultat. Izgoï ne jouerait donc pas à Fagnolle ! Ce sont des musiciens brésiliens rencontrés par hasard à Bruxelles et sans nom qui ont
alors remplacé le groupe Izgoï avec succès ". (7)
Pour cette même raison, Les Garde-fous n’arriveraient jamais à Kiev.
Texte : AvB - Correction : Valérie
(0) Article de J.-P. C., référence inconnue, documentation fournie par les organisateurs
(01) Interview D.G. le 22 mai 2016
(02) (Document : Présentation générale Fagnorock, 1990)
(1) Daniel Guislain, 22 mai 2016, 20 juillet 2016 et document : Présentation générale Fagnorock, 1990
(2) http://www.lnh-asbl.be/bases/la_lnh/membres/institut_louis_marie.html
(3) Vers l’Avenir, 12 juillet 1989 – article de Pierre Wiame
(4) Mail 26 mai 2016
(5) Vers l’Avenir, 12 juillet 1989 – article de Pierre Wiame
(6) Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rideau_de_fer
(7) Interview D.G. le 22 mai 2016