La loi du 9 novembre 2015 modifiant le régime de la domiciliation provisoire : entre fantasmes et changements (reculs ?) avérés
Nicolas BERNARD, professeur à l’Université Saint-Louis — Bruxelles
1. Le 9 novembre 2015, le législateur fédéral a promulgué une loi modifiant le régime de l’inscription provisoire dans les registres de la population[1].C‘est peu dire quece texte, qui entre autres retouche la législation organique du 19 juillet 1991[2],suscite un vif remous depuis son entrée en vigueur[3] ; à tout le moins, iljette une certaine confusion auprès des acteurs et « suscite l’inquiétude »[4]. D’aucuns y voient en effet le déclin de la domiciliation provisoire, là où d’autres croient déceler au contraire une pérennisation du dispositif. C’est à débrouiller le vrai du faux, dès lors, que cet article s’attachera, en vue de rendre sa portée exacte à la législation nouvelle. Et, à l’analyse, il apparaîtra que celle-ci n’occasionne nullement, quant au principe même de la domiciliation, le recul dénoncé, alors qu’elle signe en revanche une véritable régression — restée étrangement inaperçue elle — en ce qui concerne cet aspect procédural mais essentiel qu’est la compétence de l’instance de recours. Paradoxe !
Au préalable, toutefois, un rappel (succinct) de la finalité de l’inscription dans les registres de la population s’indique.
I. Le mécanisme de l’inscription(provisoire) : rappel
2. À quoi sert l’inscription dans les registres de la population ? Et la commune est-elle fondée à refuser celle-ci si l’habitation visée prohibe toute occupation permanente ? Un lieu commun (insistant) subordonne cette domiciliation[5] à la parfaite conformité du logement aux différentes normes légales le régissant. On croit trop souvent en effet que le pouvoir local est libre de ne pas déférer à la demande d’inscription s’il s’avère que le bien au sein duquel l’intéressé prétend vivrese révèle dangereux, insalubre, construit ou aménagé sans permis d’urbanisme, etc. Il est vrai qu’il y aurait quelque incohérence dans le chef des autorités municipales à officialiser (par l’effet de l’inscription) une situation qu’elles cherchent par ailleurs à éradiquer, puisque contraire à la loi. Procéder à l’enregistrement de l’intéressé ne reviendrait-il pas dans ces conditions, pour les pouvoirs publics, à cautionner une irrégularité, voire à l’encourager ?
Pétrie de bon sens en apparence (mais en apparence seulement), cette posture est pourtant prohibée en termes exprès par les textes de loi : « aucun refus d'inscription à titre de résidence principale ne peut être opposé pour des motifs de sécurité, de salubrité, d'urbanisme ou d'aménagement du territoire »[6]. Rien de plus logique en vérité dans la mesure où, définie comme « le lieu où vivent habituellement les membres d’un ménage »[7], ladite résidence principale (critère retenu pour l’inscription) se présente comme une « situation de fait », intégralement fondée sur « la constatation d'un séjour effectif dans une commune durant la plus grande partie de l'année »[8]. C’est en ce sens que la section du contentieux administratif du Conseil d’État aestimé « erronée en droit » la conséquence (tenant dans un refus de domiciliation) qu’une commune a cru pouvoir tirer de l’installation pérenne d’un ménage dans un parc résidentiel sis en zone de loisir au mépris certes des règles urbanistiques[9].
3. On l’oublie parfois, la législation en matière de domiciliation ne sert qu’un but : refléter de manière aussi fiable que possible la présence effective des habitants sur le sol de la commune[10]. Descriptifs plutôt que prescriptifs, ils se veulent la photographie statistique la plus fiable de la population communale, hic et nunc ; pour que chacun puisse être joignable (par les services communaux et autres), il faut bien en amont, localiser les gens, quand bien même ils habiteraient un lieu proscrit[11].
Ce n’est pas tout : l’inscription constitue pour l’intéressé un authentique droit subjectif[12] (doublé d’une obligation[13]). Inversement, l’absence d’inscription a pour effet de placer l’individu dans une sorte de no man’s land juridique et administratif[14], dès lors que de nombreuses réglementations font de cette inscription formelle le pivot de l’application de leurs dispositions (en matière judiciaire[15], d’assurance soins de santé[16], de garantie de revenus aux personnes âgées[17], de détermination du taux — isolé ou cohabitant — de certaines prestations sociales[18], etc.). Cette double dimension, une juridiction comme le Conseil d’Étatl’a bien rendue, en précisant que l’institution du registre de la population « a pour but d’une part d’assurer la fidélité des données des registres de la population par rapport à la réalité de la résidence, et d’autre part d’éviter que les personnes résidant de manière permanente dans des lieux qui n’y sont pas destinés encourent une marginalisation sociale à défaut d’inscription »[19].
4. Les registres de la population n’ont donc nullement pour vocation de sanctionner des occupations illégales. Leur rôle ne consiste point à reconnaître la validité de l’implantation (et, en creux, à empêcher les installations disqualifiées par la loi)[20]. Il est interdit, autrement dit, d’instrumentaliser les registres et de leur faire servir une autre fin que celle qui leur est assignée. « La politique en cette matière [aménagement du territoire], en matière de logement ou en matière sanitaire ne peut […] pas être conduite via la législation relative aux registres de la population », confirme la circulaire ministérielle du 15 mars 2006[21].
Soucieux toutefois de ne point laisser perdurer l’occupation prohibée trop longtemps (et résolu corrélativement à mettre un terme au hiatus — il est vrai embarrassant — entre la reconnaissance administrative d’une situation de fait et l’illégalité même de l’installation), les autorités ont indexé d’un caractère provisoire l’inscription à laquelle la commune n’a eu d’autre choix, le cas échéant, que de procéder.
5. Concrètement, la commune était tenue d’inscrire (provisoirement) l’intéressé, mais se voyait octroyer un délai (trois ans maximum[22]) aux fins expressément de « met[tre] fin à la situation litigieuse » ; et si l’autorité communale n’y était pas parvenue dans le délai requis ? L’inscription, alors, devenait « définitive »[23]. Ce tour définitif, l’inscription pouvait même l’acquérir (nettement) plus tôt si, dans les trois mois, l’autorité communale n'avait même pas « entamé la procédure administrative ou judiciaire » visant à « mettre fin à la situation irrégulière ainsi créée »[24]. En résumé, on peut (pour des motifs humanitaires) fermer les yeux en quelque sorte sur une implantation illégale, mais il ne s’agirait pas de prolonger outre mesure cette tolérance ni de rendre par trop visible ce grand écart entre les normes.
En filigrane, se dessine le sort naturel que le Roi réservait à l’inscription provisoire : prendre fin au plus vite, par l’élimination de « la situation irrégulière ainsi créée »[25]. En même temps dès lors qu’elle stabilisait la condition du ménage mal logé, l’inscription provisoire constituait un coup d’accélérateur indéniable pour la mise hors circuit d’une telle habitation (et, subséquemment, l’éviction de ses habitants) ou bien, en sens inverse, sa réhabilitation. À partir du moment où il accueille officiellement des gens (la majeure partie de l’année), ce logement ne pouvait pas continuer à évoluer ainsi en marge de la loi ; celui-ci devait être soit réparé ou régularisé, soit fermé. Ceci étant, ce statut concerne tout de même plus de 30.000 ménages en Belgique, répartis à parts presque égales entre Flandre et Wallonie (le phénomène étant nettement moins présent à Bruxelles)[26].
II. La réforme du 9 novembre 2015
6. En quoi consiste(nt) exactement le(s) changement(s) apporté(s) par la législation de 2015 ? Cette dernière insère au sein de la loi de 1991 sur les registres de la population un alinéa libellé comme suit : « Les personnes qui s'établissent dans un logement dont l'occupation permanente n'est pas autorisée pour des motifs de sécurité, de salubrité, d'urbanisme ou d'aménagement du territoire, tel que constaté par l'instance judiciaire ou administrative habilitée à cet effet, ne peuvent être inscrites qu'à titre provisoire par la commune aux registres de la population. Leur inscription reste provisoire tant que l'instance judiciaire ou administrative habilitée à cet effet n'a pas pris de décision ou de mesure en vue de mettre fin à la situation irrégulière ainsi créée. L'inscription provisoire prend fin dès que les personnes ont quitté le logement ou qu'il a été mis fin à la situation irrégulière »[27]. Passons au crible maintenant les différentes modifications, non sans épingler aussi ce qui, au sein de la loi de 1991, est resté identique.
1. Ce qui change
a) la suppression des délais (ou, l’avènement d’une inscription… définitivement provisoire !)
7. Le changement le plus notable, assurément, tient dans la suppression des délais assortissant la prise d’inscription provisoire. Auparavant, la loi assignait à la commune une double échéance, pour à la fois engager les procédures visant à effacer l’illégalité de l’occupation (dans les trois mois) et, surtout, pour les mener à bon port (trois ans).Cet horizon temporel (différencié) a disparu aujourd’hui, puisque l’inscription demeure provisoire « tant que l'instance judiciaire ou administrative […] n'a pas pris de décision ou de mesure en vue de mettre fin à la situation irrégulière ». Antérieurement, l’inscription provisoire était à durée de vie limitée, mais elle peut maintenant perdurer bien au-delà des trois ans ; il n’y sera mis un terme que lorsque « les personnes [aur]ont quitté le logement ou qu'il a[ura] été mis fin à la situation irrégulière ». Loin donc d’amorcer le déclin de l’inscription provisoire, la loi nouvelle la pérennise…quitte à dévoyer la philosophie d’un dispositif qui, en effet, ne peut pas se prolonger outre mesure à peine de rendre par trop visible le délicat porte-à-faux caractérisant la position des autorités. Alors que sa mort était programmée (à terme), l’inscription provisoire est aujourd’hui, en l’absence de toute date butoir, potentiellement illimitée. On a donc, là en germe, une inscription définitivement provisoire ! Nous ne sommes pas dans le pays de Magritte pour rien…
Au-delà de la question des délais,le texte nouveau (et c’est plus préoccupant encore) ne conçoit plus du tout manifestement que l’inscription provisoire puisse déboucher sur autre chose qu’une évacuation du bien — sur une inscription définitive par exemple. Dire en effet de la domiciliation provisoirequ’elle prendfin « dès que les personnes ont quitté le logement ou qu'il a été mis fin à la situation irrégulière », exclusivement, atteste à suffisance de la volonté du législateur de ne pas voir ce type de domiciliation évoluer en inscription définitive (alors que ce passage de relais en quelque sorte était organisé par le prescrit ancien). Mais que se passera-t-il concrètement si le bien insalubre et/ou en infraction urbanistique fait l’objet des réfections requises ou respectivement bénéficie d’une régularisation (ce qui,dans les deux cas,dépouille l’occupation de son illégalité) ?L’intéressé devra-t-il alors déposer une nouvelle demande de domiciliation ? L’affirmative signerait là un inquiétant repli dans la protection du citoyen.
8. Mais pourquoi, au fond, le législateur s’est-il autorisé à gommer de la sorte tout jalon temporel ? C’est un souci purement pragmatique qui a guidé cette suppression, puisqu’« il [est] apparu que les délais maximaux de 3 mois et 3 ans étaient la plupart du temps trop courts pour les autorités »[28].
Cette justification appelle une quadruple remarque. D’abord, elle ne dit rien de la méthodologie qui a permis de dresser ce constat. En l’absence de toute mention relative à une étude scientifique ou une enquête de terrain permettant d’asseoir objectivement ce sentiment, cette conclusion ne peut dès lors qu’être entachée dans sa crédibilité.
Ensuite, les deux délais — fort différents — sont logés à la même enseigne, sans qu’il soit possible de savoir lequel des deux s’avère le plus problématique (à savoir, trop court). Autrement dit, méritaient-ils, tous deux, de passer à la trappe ?
Par ailleurs, quant au fond, on a du mal à concevoir qu’en trois ans (ce qui n’est pas rien tout de même), il soit si malaisé de mettre fin à la situation litigieuse.Certes, l’opération de régularisation ne dépend pas toujours de la seule commune, mais prendre un arrêté d’inhabitabilité est entièrement du ressort du bourgmestre. Le manque de diligence de certaines autorités locales n’est-il pas, bien plutôt, à pointer ? En tous cas, c’était un crève-cœur manifestement pour nombre d’entre elles de voir l’inscription provisoire devenir définitive sans que le problème ait été réglé dans l’intervalle, par la simple expiration du délai ; la loi du 9 novembre 2015 a parfaitement entendu leur cri.
Enfin, si le problème principal tient dans le caractère réduit desdits délais, pourquoi ne pas avoir, tout simplement, allongé ceux-ci ?L’objectif (louable) de mieux coller aux réalités administratives communales ne pouvait-il pas être rencontré avec un moyen moins radical (que la suppression de tout de délai) ? Il n’est pas sûr, à cette aune, que le principe de proportionnalité ait été respecté ici…[29]
b) l’élévation (de l’inscription provisoire) au rang de loi
9. Un autre changement est à noter au sein du texte nouveau ; quoiqu’il s’opère sur un plan strictement légistique, celui-ci n’est pas moins digne d’intérêt. Il s’agit de l’élévation au niveau de la loi du mécanisme de l’inscription provisoire. Antérieurementrégi par un simple arrêté royal (du 16 juillet 1992), il est inscrit désormais au coeur même de la loi du 16 janvier 1991 sur les registres de la population. Plusieurs interrogations en découlent.
10. La première de ces questions peut sembler triviale : attendu que le régime actuel diffère du précédent sur plusieurs points, les articles concernés de l’arrêté royal de 1992 ont-ils bien été abrogés ? Il serait de bonne politique normative qu’ils le fussent… mais il n’en a rien été malheureusement. S’il n’appartenait évidemment pas à une loi (celle du 9 novembre 2015) d’anéantir un arrêté royal (celui du 16 juillet 1992), il est permis de regretter que l’exécutif fédéral (compétent pour opérer pareil toilettage) n’ait toujours pas, un an après ou presque, pris l’arrêté qui abrogerait — de manière expresse — le texte initial de 1992.
Par ailleurs, la loi du 9 novembre 2015 n’a pas fait l’objet d’un arrêté d’exécution autonome, notamment parce qu’elle n’est « que » modificative. Résultat : on a une loi (celle de 1991 sur les registres de la population) qui, aujourd’hui, contredit de manière patente son propre arrêté d’exécution ! Difficile dès lors, pour l’administré (pas nécessairement au fait des principes subtils de la hiérarchie des normes), de s’y retrouver… Heureusement, il reste la règle générale de l’abrogation implicite du texte inférieur, pleinement d’application ici
11. Plus fondamentalement, qu’est-ce qui a justifié la « promotion législative » de l’inscription provisoire ? Faut-il y voir la consécration ultime d’un dispositif qui, par là, bénéficierait d’un regain de légitimité démocratique et, à la fois, accéderait à un plus grande pérennité (une loi se modifiant moins aisément en effet qu’un arrêté royal, a priori) ? Non pas. À nouveau, la préoccupation est avant tout pragmatique. Historiquement, l’arrêté de 1992 puisait sa justification (sur le point qui nous occupe)dans un articulet de la loi de 1991, aussi sibyllin que laconique : « Le Roi fixe les règles complémentaires permettant de déterminer la résidence principale »[30]. Il en a découlé la mise sur pied (au sein de l’arrêté) d’un régime exhaustifà propos de l’inscription provisoire…mécanisme totalement inconnu de la loi de base pourtant ! L’habilitation législative, on le voit, manquait à tout le moins sur cette question ; l’exécutif est manifestement sorti de son rôle d’exécutant.
C’est donc pour « mettre fin à cette insécurité juridique » et « donner une base légale à l’inscription provisoire » que cette dernièrea rejoint le berceau proprement législatif[31]. Une logique élémentaire aurait voulu que l’on expurge alors l’arrêté de 1992 des éléments ainsi rapatriés dans la législation de 1991 et portés au rang de loi ; il n’en fut rien été malheureusement[32].
c) la déclaration de non conformité du bien
12. Un autre changement, qui a échappé à la sagacité de l’observateur généralement (mais qui est loin d’être anecdotique), est à épingler dans la loi de 2015, relatif cette fois à la déclaration de non conformité du bien. C’est que le régime précédent laissait en suspens la question suivante : l’habitation à l’adresse de laquelle le ménage manifeste le souhait de se faire enregistrer doit-elle, au moment de cette demande, avoir déjà été reconnue comme insalubre par exemple (ou contrevenant aux réglementations urbanistiques) pour mettre en branle l’inscription provisoire ? Ou alors, c’est à la faveur précisément de cette requête que la commune (l’agent de police, en pratique[33]), se rendant sur place pour la visite domiciliaire, s’avisera alors du caractère inadéquat du logement en question, sur la base d’une appréciation propre ?
L’interrogation n’est pas anodine. Dans la première hypothèse, l’administration locale peut se contenter de renvoyer aux documents existants (qui la déclaration des services régionaux chargés du contrôle de la qualité du logement, qui une décision de justice[34], qui son propre arrêté d’inhabitabilité). Dans la seconde, elle doit effectuer elle-même cette inspection… avec la difficulté qu’elle n’est pas toujours habilitée à vérifier le respect dû aux normes régionales[35] ! Ce qui, on en conviendra, milite en faveur de la première hypothèse (suivant laquelle le logement doit, au moment de la demande d’inscription, avoir déjà été déclaré insalubre).
13. Cette interrogation, la loi de 2015 l’a tranchée (pour, enfin, « lever tout doute »[36]). Désormais, le manquement aux règles de salubrité, de sécurité, d’urbanisme ou encore d’aménagement du territoire doit expressément avoir été « constaté par l'instance judiciaire ou administrative »[37], ce qui accrédite et valide en quelque sorte l’interprétation ci-dessus suggérée (au profit de la première hypothèse). Certes, l’expression « instance administrative » pèche encore par indétermination (la Région ? la commune ?), mais l’idée générale transparaît bien : le constat d’irrégularité frappant le logement doit préexister à la demande d’inscription provisoire. Cette dernière n’interviendra qu’ « après la déclaration d’insalubrité du logement »[38].
Une conséquence — forte — s’en infère : n’est pas éligible à la domiciliation provisoire l’individu qui postule son inscription dans une habitation dont l’occupation permanente est prohibéesanscependant que la chose ait déjà été rapportée par les autorités à ce moment-là. Est-ce à dire que l’intéressé n’apparaîtrait nullement en ce cas dans les registres de la population ? Que du contraire ! Celui qui n’émarge pas à la domiciliation provisoire est inscrit alors… à titre définitif. Il est bon de rappeler à cet égard que la domiciliation, quelle qu’en soit la nature, s’impose aux autorités dès que le séjour de l’individu sur le sol de la localité (la majeure partie de l’année) est avéré.
14. La solution dégagée par la loi de 2015, toutefois, ne va pas de soi. C’est que, pour actionner le mécanisme de l’inscription provisoire, la commune doit en bonne logique avoir été mise au courant de la déclaration d’insalubrité ayant frappé préalablement le bien. Or, si cette transmission d’information se fait automatiquement lorsqu’on est en présence d’une interdiction de mise en location décidée par la Région[39] (ou, fatalement, d’un arrêté d’inhabitabilité), il n’en va pas de même des décisions de justice.
d) la compétence de l’instance de recours
15. Au sein de la loi de 1991 sur les registres de la population, le dispositif de l’inscription provisoire n’est pas seul à être impacté par la réforme de 2015 ; la procédure applicable en cas de recours subit elle aussi une modification, et cette dernière est d’importance. Retraçons d’abord le régime juridique en vigueur jusqu’ici, ainsi que la mise au point opérée par l’arrêt du Conseil d’État du 27 novembre 2014.
- régime antérieur
16. Au ménage qui voit sa demande d’inscription (provisoire) rejetée par la commune[40], la loi, de manière générale, ouvre un droit de recours auprès du ministre fédéral de l’Intérieur[41] qui, en l’espèce, dispose d’un « large pouvoir d’appréciation »[42]. Après avoir, au besoin, diligenté une enquête sur place, il déterminera lui-même[43] la résidence principale de l’intéressé. Commune et requérant sont libres de faire valoir préalablement leurs observations et, à leur demande, d’être entendus par le ministre[44].
Quelle qu’elle soit, la décision du ministre[45] s’impose à la commune ; le cas échéant, cette dernière procédera d’office à l’inscription[46]. En d’autres termes, la décision ministérielle se « substitue » à celle du collège communal[47]. Soumis, au demeurant, à loi du 29 juillet 1991[48], leministre de l'Intérieur est tenu de motiver formellement sa décision[49].Enfin, la décision du ministre peut elle-même faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État[50] et, éventuellement, essuyer une annulation (au cas par exemple où la décision aurait été prise sans le « soin » requis[51]).
17. Quid de la compétence (matérielle) du ministre de l’Intérieur. Celui-ci était invité à intervenir « en cas de difficulté ou de contestation en matière de résidence principale »[52]. La formule, malheureusement, est plurivoque. Une interprétation, alimentée entre autres par l’arrêt Miandabo Mbuyi rendu le 10 novembre 1992 par le Conseil d’État[53],voulait que le ministre ne connaisse que des litiges portant sur l’appréciation même de l’emplacement de la résidence principale, question de pur fait s’il en est (qui peut en effet donner lieu à des appréciationsdivergentes). Si, partant, la commune réfractaire ne contredisait nullement le ménage qui prétend habiter effectivement à un endroit donné, mais pointait plutôt le caractère illégal de cette installation, ce n’était pas auprès du ministre de l’Intérieur que le ménage concerné devait s’en ouvrir. Le contentieux, en l’espèce, ne porte pas sur le lieu même du séjour, mais sur sa régularité juridique.
- l’arrêt du Conseil d’État du 27 novembre 2014
18. C’est dans ce cadre exact que s’est inscrit l’arrêt Tellin rendu par Conseil d’État en date du 27 novembre 2014[54]. Tirant argument de l’arrêt Miandabo Mbuyi, la commune de Tellin postulait l’anéantissement —pour excès de compétence — de la décision du ministre de l’Intérieur ayant contraint le collège communal à acter l’inscription provisoire dans les registres de la population d’un individu habitant au sein d’un parc résidentiel de vacances, en ce que cette décision est « étrangère » au point de savoir si l’intéressé est effectivement présent sur son territoire. La requérante ne contestait pas la réalité du séjour de l’individu, mais sa légalité urbanistique ; repris comme zone de loisirs et de vacances, le parc résidentiel n’est pas destiné à un habitat permanent, il est vrai. Or, selon elle, seul un conflit afférent à cette question empirique qu’est la localisation de l’individu à l’endroit de sa résidence principale alléguée peut donner lieu à recours au Conseil d’État ; le législateur s’est montré « restrictif » à cet égard. Certes, la commune a fait état elle-même de cette possibilité de recours dans sa décision de refus, mais cette mention résulte simplement de l’utilisation d’un « formulaire-type ».
19. L’argument, toutefois, n’a pas eu l’heur de convaincre le Conseil d’État. La loi, observe ce dernier, ne circonscrit pas la compétence du ministre aux seuls cas où émerge un différend relatif à la réalité de la résidence habituelle d’une personne en un lieu donné, mais vise « toutes les difficultés ou contestations en matière de résidence principale ». Or, une demande d’inscription à laquelle la commune refuse de déférer ressortit incontestablement à cette catégorie, « même si elle met en cause le débat de principe relatif à la possibilité d’inscrire une personne dans les registres de la population à une adresse donnée, nonobstant la circonstance que des règles d’urbanisme ou d’aménagement du territoire s’y opposent ». Le moyen de la requérante, partant, n’est pas déclaré fondé.
- le nouveau régime
20. L’inflexion significative (sinon le revirement) qu’a dû imprimer le Conseil d’État à sa propre jurisprudence a constitué un marqueur de choix de ce qu’un flou fâcheux nimbait le prescrit légal ; partant, l’arrêt du 27 novembre 2014 appelait impérativement une intervention du législateur destinée à clarifier une fois pour toutes l’embrouillamini. Celle-ci, il faut l’admettre, ne s’est pas fait attendre puisque la loi du 9 novembre 2015 règle ce problème-là aussi… mais pas dans le sens indiqué par le Conseil d’État !
Englobant précédemment tout contentieux « en matière de résidence principale », de façon indistincte, la compétence du ministre de l’Intérieur est aujourd’hui réduite spécifiquement à la « contestation concernant le lieu de la résidence principale actuelle »[55] ; à cet égard, la disparition du texte de loi du terme « difficulté » est indicative sans doute de cette sorte de capitis diminutio. Les conséquences de cette modification se donnent à voir immédiatement : le recours contre un refus d’inscription adossé non pas sur l’absence de séjour de la personne mais sur l’irrégularité de celui-ci échappe désormais au ministre de l’Intérieur[56]. Ce dernier ne connaîtra plus désormais que des litiges — exclusivement factuels — afférents à la réalité de la présence de l’individu sur le territoire de la commune. Si, par là, le législateur dissipe bien l’incertitude dénoncée à juste titre par le Conseil d’État, force est de constater qu’il fait retour à l’antique arrêt Miandabo Mbuyi ; drôle de manière de donner exécution à l’arrêt Tellin (nettement plus récent)…
En tous état de cause, l’amendement opéré ne se cantonne pas aux recours exercés contre les refus de domiciliation provisoire ; il s’applique de façon générale à toute procédure d’inscription, quelle qu’elle soit.
21. Quelle justification officielle sous-tend l’aggiornamento ? Une raison bien pragmatique, en somme, puisqu’est invoquée à titre principal la « surcharge de travail pour le département de l’Intérieur », elle-même induite par une disposition légale « trop vaste »[57]. Il a paru impérieux alors aux autorités de « rationaliser » les procédures de recours[58]…et nul n’ignore ce que le vocable de rationalisation annonce la plupart du temps, à savoir une restriction.
Cette explication officielle peut surprendre néanmoins. D’abord, le père de la loi de 2015 ne craint pas de verser dans une certaine forme de cynisme en assurant que c’est « conformément à la jurisprudence du Conseil d’État »[59] qu’il procède au changement normatif (…sans indiquer cependant l’arrêt précis dont il prétendcouler l’enseignement dans la législation). Ensuite, et plus fondamentalement,l’argument des moyens — budgétaires et humains — ne laisse d’interpeller. Mobilisée ici comme dans de nombreux autres domaines, cette thèse d’ordre pécuniaire paraît en décalagedès qu’est en jeu un authentique droit fondamental de l’être humain. S’il ne s’agit nullement ici de nier le carcan des ressources matérielles imposé à l’État (qui circonscrit fatalement la voilure de toute politique publique),il ne convient pas moins de convoquer l’imposante — et convergente — jurisprudence des instances européennes, suivant laquelle les considérations liées aux finances publiques, pour légitimes soient-elles, ne sauraient aboutir à rogner exagérément les droits de l’homme des citoyens[60]. Faut-il rappeler à cet égard que l’inscription dans les registres de la populationmatérialise ce principe supérieur qu’est la liberté d’établissement[61] ? Comprise dans la libre circulation des personnes, cette prérogative constitue même un des piliers juridiques sur lesquels l’Union européenne s’est construite[62]. Autant dès lors il est de bonne gouvernance de garder un œil sur les cordons de la bourse, autant le principe de la hiérarchie des normes commande de ne pasnon plus perdre de vue cet arrière-fond juridique indissociable, et inaliénable.
22. Une question reste pendante : où porter alors les différends (liés à la domiciliation) mettant en jeu cette question de droit cette fois qu’est l’illégalité de l’habitation permanente ? Malheureusement, la loi du 9 novembre 2015 n’en dit mot, pas davantage que les travaux préparatoires[63]. Ce mutisme fâcheux, dont il n’est pas exclu de penser qu’il a quelque chose d’intentionnel peut-être (dissuader les éventuels recours sur ce point), ne doit cependant pas laisser accroire qu’il n’existerait aucune instance susceptible d’accueillir les contestations des citoyens sur ce point. Simplement, il faut se tourner vers le droit commun.
S’agissant d’un acte administratif (le refus d’inscription opposé par la commune), on songe en premier lieu au Conseil d’État[64], ce que suggère aussi la circulaire du 22 décembre 2015 d’ailleurs[65]. C’est oublier toutefois que celui-ci devra vraisemblablement décliner sa compétence dans la mesure où l’on a affaire, avec la domiciliation, à un authentique droit subjectif. Ainsi, « le droit subjectif de l'intéressé d'être inscrit sur le registre de la population » revient à pouvoir « exiger de l'autorité pareille inscription lorsqu'il remplit les conditions légales », observe opportunément la Cour de cassation[66]. Laquelle souligne à juste titre quela compétence de la haute juridiction administrative « est déterminée par l'objet véritable et direct du recours, le Conseil d'État n'étant pas compétent lorsque l'acte individuel attaqué consiste dans le refus d'une autorité administrative d'exécuter une obligation qui répond à un droit subjectif du requérant »[67]. Partant, les juridictions de l’ordre judiciaire (le tribunal de première instance en l’espèce, par défaut[68]) sont habilitées, elles, à trancher les litiges de ce type. Et si l’intéressé peut se prévaloir de l’urgence, il saisira avec fruit le président de ce tribunal en référé[69], lequel pourra condamner la commune à effectuer l’inscription, en assortissant le cas échéant son commandement d’une astreinte.
23. À l’analyse, le bouleversement procédural introduit par la loi du 9 novembre 2015 (à propos du contentieux d’ordre juridique) peut s’analyser comme un véritable recul du point de vue la protection des droits du citoyen ; et ce, à un double titre. D’abord parce que, au recours administratif existant (pratique, rapide et mobilisé plus souvent qu’on son tour[70]), il substitueune démarche nettement plus lourde, de type judiciaire. Or, chacun sait que cette dernière, par sa lenteur, son formalisme, sa portée symbolique impressionnante, le caractère aléatoire de son issue ou encore son coût, peut rebuter des populations défavorisées ; la précarité de leur situation matérielle ne les incline guère à solliciter Thémis, envers laquelle ils éprouvent une appréhension (sinon une méfiance) de principe, parfois alimentée du reste par des expériences négatives vécues dans le passé. Que dire alors, à propos de cette sorte de crainte révérentielle, des juridictions suprêmes ! À cette aune, le fait pour la circulaire du 22 décembre 2015 de recommander aux ménages interdits d’inscription de quereller la décision communale devant le Conseil d’État (rien moins !) témoigne d’une certaine naïveté, à tout le moins.
Ensuite, l’ « angle mort » existant dans la loi sur les registres de la population en ce qui concerne l’instance de recours susceptibles d’accueillir les contestations non exclusivement empiriques pourrait achever de refroidir les dernières éventuelles velléités d’action en justice ; une loi floue ou lacunaire n’incite évidemment pas à son utilisation.Sans compter qu’il n’est pas sûr que le Conseil d’État puisse lui-même se déclarer compétent en cette matière[71]. En clair, l’incertitude règne ; que ce résultat n’ait, le cas échéant, pas été recherché n’enlève rien à la gravité du constat.
24. Impossible dès lors, face à ce ressacde la protection du citoyen, de ne pas évoquer la figure du standstill. Également appelé « cliquet » (du nom de la roue dentée qui empêche de revenir en arrière), ce principe[72]interdit à l'autorité publique d’adopter une réglementation qui raboterait le niveau des protections sociales déjà atteint, à peine de quoi l'individu pourra s'en prévaloir en justice[73].
L’on sait toutefois que la prohibition de légiférer à rebours des droits déjà acquis ne saurait être absolue, sauf à tétaniser le producteur de la norme dans son action à venir ; aussi la régression est-elle admise, pourvu qu’elle s’adosse sur une justification particulière et/ou se trouve compensée par une avancée dans un autre domaine. Il semble cependant, au vu des développements précédents, qu’aucune de ces conditions ne soit satisfaite avec la loi du 9 novembre 2015.
2. Ce qui ne change pas
25. Voilà pour les inflexions principales imprimées par la loi du 9 novembre 2015 sur le mécanisme de l’inscription provisoire. Et au-delà ? Rien ne change. Plusieurs fantasmes sont donc à démonter en ce domaine.
a) le principe et le statut
26. Concrètement, le principe même de l’inscription provisoire est maintenu, intégralement. Il sort même renforcé de la réforme, pour ainsi dire, du fait de son élévation au rang de loi, on l’a dit[74].
Pareillement, les motifs d’illégalité de l’occupation permanente du logement, qui forgent le caractère provisoire de la domiciliation, sont parfaitement identiques au régime antérieur. Il doit toujours s’agir de règles relatives à la sécurité, la salubrité, l'urbanisme ou encore l'aménagement du territoire. Et, tout comme avant, l’indécision persiste sur la nature ouverte ou fermée de cette liste[75].
26. Une évolution est-elle à trouver alors dans le caractère obligatoire (ou non),pour la commune, de la prise d’inscription provisoire ? Pas davantage (ou si peu). Actuellement, les ménages habitant un lieu dont le séjour est prohibé « ne peuvent être inscrites qu'à titre provisoire », là où précédemment le texte disait[76] d’un tel individu qu’il « est inscrit à titre provisoire ». Si modification il y a, elle est purement cosmétique (ou de texte), on en conviendra… Dans les deux cas, en effet, la commune est privée de toute marge d’appréciation face à une personne remplissant les exigences : elle doitl’inscrire, et à titre provisoire. Pas plus aujourd’hui qu’hier, la domiciliation provisoire ne représente une faculté mise à la disposition du pouvoir local ; elle s’impose à celui-ci, dès que l’irrégularité de l’occupation est avérée (et la réalité de la présence de l’intéressé au sein du logement dûment rapportée).
Cette mise au point, espérons-le, devrait contribuer à vider de sa substance une crainte entendue fréquemment à propos de la nouvelle législation, suivant laquelle celle-ci, par rapport à l’ancienne, empêcherait dorénavant toute domiciliation (définitive) dans un logement illégal et, de ce fait, instaurerait une discrimination vis-à-vis des habitants ayant (soi-disant) obtenu pareille protection au simple motif qu’ils ont sollicité leur inscription avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2015. Non, précédemment, l’inscription définitive au sein d’un tel logement était déjà défendue ! Aussi n’est-il n’est pas exact d’affirmer que cette législation « interdit désormais » les inscriptions définitives[77] ; c’était déjà le cas avant.Si, en définitive, la loi du 9 novembre 2015focalise tant la critique, c’est sans doute parce qu’on lui prête des effets qu’elle n’a pas (ou en tous cas qu’elle n’a pas initiés elle-même) ; partant, nombre des récriminations formulées à son endroit se dégonflent d’elles-mêmes sitôt qu’on s’avise qu’elles procèdent en fait d’une méconnaissance de la portée existante de la législation « matrice » de 1991.
b) la fin de l’inscription provisoire
27. L’annonce d’une nouvelle loi avait fait naître l’espoir que législateur allait profiter de l’occasion pour corriger une inégalité de traitementdérivant du mode de terminaison de l’inscription provisoire. Le texte ancien disposaità ce propos que « l'inscription prend fin dès que le ménage a quitté les lieux »[78], sans plus de formalité, alors par exemple qu’il ne peut être mis un terme à l’inscription définitive que par le biais du mécanisme de la radiation, soumise elle-même à des causes limitativement énumérées[79]. Un désavantage flagrant[80] en découle : la radiation d’office ne peut intervenir que si la nouvelle résidence principale est connue[81], tandis que la suppression de l’inscription provisoire s’enclenche automatiquement, par le simple effet du départ de l’intéressé, sans vérification plus ample[82].
Las, le texte nouveaune touche à rien et reprend les mêmes termes : « l'inscription provisoire prend fin dès que les personnes ont quitté le logement »[83] (sans préjudice d’une éventuelle action de la commune pour mettre fin à la situation irrégulière). Une opportunité a indubitablement été gaspillée ici.
c) le peu de cas fait de la régularisation du bien en infraction
28. Autre continuité (malheureuse) avec la législation de 1991 : les travaux préparatoires de la loi du 9 novembre 2015 passent complètement sous silence l’hypothèse de la régularisation du logement en infraction. Or,pas moins qu’une fermeture du bien par exemple, cette procédure met bien un terme à la situation litigieuse(par le haut en quelque sorte). Surtout, elle peut dans certaines circonstances se révéler plus rapide qu’une démarche de type répressif (l’adoption d’un arrêté d’inhabitabilité par exemple doit s’accompagner en effet d’une préoccupation suffisante pour le relogement des expulsés[84]), tout en permettant au ménage concerné de se maintenir dans les lieux, ce qui n’est pas le moindre de ses avantages assurément.
Las, le ministre concerné ne voit pas les choses de la même façon puisque, à son estime, ce n’est pas l’illégalité de l’occupation qu’il y a lieu d’éradiquer, mais « toute forme d’occupation […] illégitime » elle-même[85], ce qui signifie immanquablement mettre le logement hors jeu (et en chasser les habitants). Accrédite encore cette idée la circonstance que la loi nouvelle ne prévoit plus qu’une inscription provisoire puisse s’invertir (automatiquement) en domiciliation définitive[86]. Pareille approche nous paraît toutefois réductrice et, surtout, dévoie la lettre de la loi. Celle-ci en effet se borne à exiger de « mettre fin à la situation irrégulière »[87], en restant — délibérément — vague sur les moyens pour y parvenir : fermer l’habitation ou la régulariser (cette souplesse trouvantd’ailleurs à s’appliquer quel que soit le domaine[88]).
d) au final, une protection équivalente (à celle de l’inscription définitive)
29. On vient de le voir, l’inscription provisoire ne sort pas chamboulée de la réforme de 2015 (fors la procédure de recours). Et bouleversement il y a d’autant moins que, en amont, ce régime ne présente pour l’administré aucune différence un tant soit peu significative par rapport à l’inscription dite normale (définitive). C’est l’occasion de redire ici, et avec force, que la domiciliation provisoire offre à l’individu une protection en tous points analogueà celle que procure l’inscription définitive[89]. Contrairement à ce qu’enseigne un lieu commun (tenace), un ménage habitant un lieu interdit n’est pas « moins bien » inscrit qu’un autre ; à cet égard, force est (malheureusement) de constater que certaines communes, réfractaires à l’implantation de ménages jugés indésirables sur leur sol, laissent complaisamment circuler cette idée reçue sans chercher à la briser, quand ils ne l’alimentent pas elles-mêmes...
D’abord et avant tout, la domiciliation provisoire a pour vocation d’attirer l’attention du pouvoir municipal sur la présence d’une habitation illégale sur son territoire… histoire defouetter son ardeur à remédier au problème. Et, incidemment, ce mécanisme sert à prévenir l’intéressé de ce que son logement est désormais dans le collimateur de l’autorité locale en quelque sorte et que, corrélativement, une certaine précarité affecte son séjour dans les lieux puisque la commune est censée engager des actions pour mettre fin à la situation litigieuse. Ni plus, ni moins. A contrario, dans l’attente d’une éventuelle mise hors circuit du bien(suivie d’une expulsion), l’individu inscrit provisoirement jouit exactement des mêmes droits qu’un autre. C’est l’inverse qui aurait été surprenant dès lors que l’inscription peut aujourd’hui — par l’effet de la loi du 9 novembre 2015 —être provisoire ad aeternam, ce qui la distingue encore moins de la domiciliation définitive.
3. Réflexions transversales
30. En guise de conclusion, deux réflexions, davantage transversales, doivent encore être menées, relatives respectivement à la valeur ajoutée de l’inscription provisoire et au risque d’atteinte aux règles sur la protection de la vie privée.
a) de la valeur ajoutée d’une inscription provisoire
31. On le sait, l’inscription provisoire ne prémunit en rien le ménage concerné contre une éventuelle éviction. Mais, en sens inverse, ellene fournit point —à elle seule — le titre exécutoire permettant à la commune de procéder au déguerpissement ; ce dernier obéira toujours aux règles procédurales en vigueur[90]. Et, lorsque la question se posait sous l’empire du régime précédent, le fait que la commune ait laissé les délais de trois mois et de trois ans expirer sans commencer à traiter le problème ou à le régler (ce qui transmuait alorsl’inscription provisoire en inscription définitive) ne la dépouillait nullement du droit de prendre encore, par la suite, les mesures destinées à fermer l’habitation ou à la régulariser[91].
Au final, "on peut se demander si la notion d'inscription provisoire est susceptible de se voir reconnaître un contenu propre"[92].Et la réflexion sur l’utilité ultimed’un tel système (par rapport à l’inscription normale) acquiert une consistance supplémentaire à l’heure actuelle où l’abolition des délais a fait se rapprocher très sensiblement la domiciliation provisoire de sa version définitive.Le ministre compétent, en tous cas, n’est pas le dernier à reconnaître la nature fort relative de la plus-value d’un pareil dispositif : « Bien que pour les citoyens concernés, une inscription provisoire ne diffère fondamentalement en rien d’une inscription ordinaire, l’introduction de la procédure d’inscription provisoire avait surtout pour but de faire en sorte que les citoyens n’aient plus cette perception que leur inscription dans les registres de la population régulariserait la situation irrégulière qu’ils ont créée »[93].
32. Prenons le père de la loi au mot ! Et retournons l’argument : si l’objectif de l’inscription provisoire tient tout entier dans l’information à donner à l’occupant, qu’est-il besoinalors de déployer une machinerie administrativede ce type ? Ce (légitime) but ne pourrait-il pas être rencontré d’une autre manière, plus souple et plus douce, sans qu’il faille formellement acter dans des documents officiels le caractère illégal de l’installation ? Le sacro-saint principe de proportionnalité n’est-il pasmis à mal s’il appert que des moyens moins radicaux que la mesure contestée (ici, la domiciliation provisoire) affichent la même efficacité?
L’interrogation n’a rien d’anodin, ni du purement rhétorique. L’enjeu est bien réel pour le ménage concerné. Il faut savoir en effet quecelui-ci« vit »relativement mal sa situation d’inscription provisoire, qu’il interprète parfois comme une marque sinon d’infamie en tous cas d’anormalité ; d’autant plus que certaines communes ne font rien pour rasséréner les intéressés ou dissiper les craintes. Plus fondamentalement, des conséquences négatives s’attachent à ce statut, ainsi qu’il va être donné à voir maintenant.
b) du risque d’atteinte aux règles protectrices de la vie privée
33. Un danger — particulièrement vivace — est à épingler en finale : que le caractère provisoire de l’inscription soit diffusé largement à l’extérieur (des œuvres de la commune ou non). Or, cette information ne regarde en réalitéque le ménage en question et son administration locale, et est exclusivement appelée à jouer dans leurs relations bilatérales. À notre sens, la personne ou l’institution qui s’autoriseraità relayer ce renseignement à un tiers pourrait se voir reprocher de transgresser les règles relatives à la protection de la vie privée[94]. On ne voit pas bien en tous cas ce que cette information est susceptibled’apporter au récipiendaire. Le risque existe donc que, sous couvert de transparence, on stigmatise l’individu inscrit provisoirement et, par là, on contribue à dissuader de manière générale le recours à la domiciliation provisoire (…et donc, plus globalement, à l’habitat dit alternatif[95]).
Ce risque prend unrelief particulier en matière de vente.Ainsi, les propriétaires d’une roulotte ou d’un chalet sis en zone de loisir manifestent actuellement la crainte que la transmission au candidat acquéreur de l’information sur le caractère provisoire de l’inscription domiciliaire entraîne une décote de leur bien. L’acheteur potentiel serapeut-êtretenté en effet de revoir son prix à la baisse si la commune l’avise officiellement de la fragilité administrative affectant (prétendument[96]) l’installation. Ne perdons pas de vueà cet égard que l’infraction urbanistique par exemple est dite continue (en ce sens qu’elle se poursuit tant qu’il n’y est pas mis fin), échappant dès lors à toute prescription[97]. Autrement dit, l’individu qui fait achat d’un bien conçu, installé ou aménagé en contravention avec des prescriptions urbanistiques reste entièrement tenu par l’infraction commise initialement par le vendeur, qu’il prolonge par son inaction ; le voilà lui aussi, dans l’hypothèse où il resterait passif face à cette irrégularité urbanistique, exposé à une assignation devant les cours et tribunaux[98].
34. Que répondre ? D’abord, la législation de 2015 n’est aucunement à l’origine de ce risque, qu’elle n’exacerbe donc en rien (mais qu’elle ne cherche pas non plus à éradiquer).
Il nous semble ensuite que, par application du raisonnement précité, cette transmission doit être empêchée, car empiétant sur la vie privée du vendeur. De toute façon, le notaire est déjà tenu de quérir une série de renseignements (urbanistiques notamment) sur la régularité du logement dont l’acquisition est projetée. Que pourrait donc apporter de plus un document administratif émanant de la commune et revêtu de la formule « inscription provisoire » ? En tous cas, ce dernier ne dispensera pas le notaire de l’accomplissement de ses devoirs.
Last but not least, il faut savoir que la situation normative est en train d’évoluer (dans le sens d’une péremption en quelque sorte des infractions urbanistiques), tant en Wallonie[99] qu’en Flandre[100].
35. Ce qui n’était toutefois encore qu’une peur un peu diffuse a changé de statut avec la circulaire du 22 décembre 2015, pour devenir une conséquence très concrète, et automatique. Ce texte en effet avertit en toutes lettres : « L’indication ‘inscription provisoire’ sera également mentionnée sur les tous les certificats que le citoyen demandera »[101]. La phrase est lourde de signification et, incontestablement, a de quoi susciter un légitime émoi…
Il n’est pas sûr cependant qu’une « simple » circulaire soit habilitée à imposer une obligation de cette ampleur dans la mesure où ni la loi de 1991 ni l’arrêté royal de 1992n’organise cette procédure de transmission, ni même ne l’évoque — fût-ce en filigranes. N’excède-t-on pas dès lors ici le cercle (restreint) des questions et modalités purement techniques, seules dévolues en règle à une circulaire interprétative ? Faut-il rappeler que c’est une préoccupation similaire (le principe de la hiérarchie des normes) quia justement conduit à rapatrier au sein de la loi même le principe de l’inscription provisoire[102] ? Poser ces questions, c’est déjà un peu y répondre…
[1]Art. 9 de la loi du 9 novembre 2015 portant dispositions diverses Intérieur, M.B., 30 novembre 2015.
[2]Loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, en vue d'imposer l'inscription aux registres de la population des personnes n'ayant pas de résidence en Belgique, M.B., 3 septembre 1991.
[3] Fixée, à défaut de disposition particulière, au 9 décembre 2015, soit dix jours après la publication du 30 novembre 2015 (art. 4 de la loi du 31 mai 1961 relative à l'emploi des langues en matière législative, à la présentation, à la publication et à l'entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires, M.B., 21 juin 1961). On ne voit pas bien dès lors ce qui autorise la circulaire du 22 décembre 2015 à mentionner à la place la date du 1er janvier 2016. Émanant de la Direction générale Institutions et Population du S.P.F. Intérieur, cette circulaire (non publiée au Moniteur belge) est intitulée Loi portant dispositions diverses Intérieur. - Adaptations de la réglementation sur la tenue des registres de population à partir du 1er janvier 2016.
[4] Question n°1.230 (« Loi portant dispositions diverses Intérieur du 9 novembre 2015 - Conséquences pour les résidents des domaines ») posée le 25 avril 2016 par M. Georges Gilkinet à M. Jan Jambon, vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiment, Bull. Q. R., n°54-073, 17 mai 2016, p. 103.
[5]Stricto sensu, la domiciliation n’est point à apparenter à l’inscription dans les registres de la population, malgré certains amalgames courants (notamment l’art. 15, §4, al. 3, du Code bruxellois du logement), dénoncés d’ailleurs par le Conseil d’État (C.E. (IV), 25 octobre 1995, Van der Plas, n°56.024). Aucun des deux textes normatifs concernés en effet (la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, en vue d'imposer l'inscription aux registres de la population des personnes n'ayant pas de résidence en Belgique, M.B., 3 septembre 1991 et l’arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif aux registres de la population et au registre des étrangers, M.B., 15 août 1992) ne retient le vocable « domicile », notion de droit civil essentiellement, mobilisée par tout Belge pour « l’exercice de ses droits civils » et qui se définit comme le lieu où l’intéressé « a son principal établissement » (art. 102 du Code civil). Pour des raisons de commodité pratique toutefois, et parce que le lexique “domiciliation” (qui n’est lui-même pas tout à fait équivalent à “domicile”) est communément admis aujourd’hui, on le substituera parfois au terme “inscription” au cours de cet article, histoire simplement de diversifier le vocabulaire.
[6] Art. 16, §2, al. 1er, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif aux registres de la population et au registre des étrangers, M.B., 15 août 1992 ; voy. aussi l’art. 1er, §1er, al. 1er, 1°, al. 2, de la loi du 19 juillet 1991, inséré par l’art. 9 de la loi du 9 novembre 2015 portant dispositions diverses Intérieur, M.B., 30 novembre 2015. Les propos qui vont suivre sont librement adaptés (et actualisés) de N. BERNARD, « De l’inscription provisoire (dans les registres de la population) d’une personne habitant un parc résidentiel : une confirmation sur le principe et, à propos du recours, un revirement de jurisprudence », Droit communal, 2015/2, p. 25 et s.
[7] Art. 3, al. 1er, de la loi du 19 juillet 1991.
[8] Art. 16, §1er, al. 1er, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992. Voy. C.E. (VI), 7 février 2005, Gustin, n°140.278, C.E. (VI), 4 décembre 2007, Jouniaux, n°177.560, ainsi que Civ. Bruxelles (réf.), 1er février 1999, J.T., 1999, p. 541.
[9]C.E. (XIII), 16 décembre 2003, Catteau, n°126.485.
[10] Par exemple, « en cas de catastrophe, il est intéressant pour les services de secours de savoir que des personnes sont inscrites à l’adresse du bâtiment concerné et de connaître leur nombre. La rapidité des secours, les recherches et l’identification de personnes sont en jeu » (circulaire du 22 décembre 2015, p. 2 et 3).
[11]Cf. entre autres Anvers, 30 mai 2002, N.j.W., 2002, p. 209, note.
[12] La Cour de cassation a rappelé à cet égard que « le droit subjectif de l'intéressé d'être inscrit sur le registre de la population », revient à pouvoir « exiger de l'autorité pareille inscription lorsqu'il remplit les conditions légales » (Cass., 17 novembre 1994, J.T., 1995, p. 316, note B. Haubert et Journ. proc., n°275, 1995, p. 26, note F. Tulkens). Voy. également Anvers, 1er décembre 2003, N.j.W., 2004, p. 664, note S. Lust, ainsi que Liège (I) 5 janvier 2004, J.L.M.B., 2004, p. 395.
[13] « Toute personne qui veut fixer sa résidence principale dans une commune du Royaume » doit, dans les huit jours de l'installation effective, « en faire la déclaration à l'administration communale du lieu où elle vient se fixer » (art. 7, §1er, al. 1er, et §4, al. 1er, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992). Une exception est cependant aménagée au bénéfice du fonctionnaire international.
[14] À défaut d’inscription (provisoire), « le citoyen ne peut plus exercer ses droits fondamentaux et cela ne fait qu’aggraver sa situation » (circulaire du 22 décembre 2015, p. 2).
[15] Art. 36 du Code judiciaire.
[16] Art. 9, al. 1er, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, M.B., 27 août 1994, err. 13 décembre 1994. Voy. également l’art. 37decies, §1er.
[17] Art. 2, 4°, et 4 de la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes âgées, M.B., 29 mars 2001.
[18] Art. 124, §2 et 3, et 225, §4, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, M.B., 31 juillet 1996. Voy. également l’art. 123, al. 2.
[19] C.E. (XV), 27 novembre 2014, Tellin, n°229.392.
[20]Cf. entre autres Ph. VERSAILLES, « Chez soi quelque part : vers le droit à la résidence ? », Chr. D.S., 1993, p. 170 et s.
[21] Circulaire du ministre de l’Intérieur du 15 mars 2006 relative à l'inscription provisoire dans les registres de la population. Instructions générales concernant la tenue des registres de la population, n°9, M.B., 18 mai 2006.
[22] « Tout ménage qui sollicite son inscription dans un logement dont l'occupation permanente n'est pas autorisée pour des motifs de sécurité, de salubrité, d'urbanisme ou d'aménagement du territoire, est inscrit à titre provisoire pour une période maximum de trois ans » (art. 16, §2, al. 2, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992).
[23] « L'inscription devient définitive si l'autorité judiciaire ou administrative n'a pas pris, dans les trois ans à compter de l'inscription, les décisions et mesures mettant fin à la situation litigieuse » (art. 16, §2, al. 4, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992).
[24] « Si dans les trois mois de la demande, l'autorité communale compétente n'a pas entamé la procédure administrative ou judiciaire prévue par ou en vertu de la loi en vue de mettre fin à la situation irrégulière ainsi créée, l'inscription dans les registres devient définitive » (art. 16, §2, al. 3, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992).
[25] Art. 16, §2, al. 3, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992.
[26]30.350 très exactement à l’échelle du Royaume : 15.491 en Régionflamande, 14.051 en Région wallonne et 808 en Région de Bruxelles-Capitale (réponse donnée par M. Jan Jambon, vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiment, à la question n°1.230 — « Loi portant dispositions diverses Intérieur du 9 novembre 2015 - Conséquences pour les résidents des domaines » — posée le 25 avril 2016 par M. Georges Gilkinet, Bull. Q. R., n°54-073, 17 mai 2016, p. 106).
[27] Art. 1er, §1er, al. 1er, 1°, al. 2, de la loi du 19 juillet 1991, inséré par l’art. 9 de la loi du 9 novembre 2015.
[28] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 11.
[29] Voy. infra n°32.
[30] Art. 3, al. 2.
[31] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 12.
[32] Voy. supra n°10.
[33] Mais pas nécessairement ; rien dans l’arrêté du 16 juillet 1992 n’oblige en effet de réserver à la police communale cette tâche, le texte se bornant à évoquer une enquête à diligenter par « par l'autorité locale » (art. 7, §5, al. 1er). Voy. entre autres le Règlement communal en matière d’inscription et de radiation des habitants dans les registres de la population, des étrangers et d’attente adopté le 30 juin 2011 par Auderghem, art. 1, al. 2.
[34] Ou plutôt, un rapport d‘expertise (commandé par le magistrat) établissant l’insalubrité du bien ou un compte-rendu d’une « vue des lieux » opérée par le juge lui-même.
[35] La visite du logement est du ressort exclusif de Direction de l’Inspection régionale du logement à Bruxelles par exemple (art. 6 du Code bruxellois du logement). En Wallonie, certes, une délégation de compétence a été prévue au bénéfice des pouvoirs locaux sur ce point-là (art. 5, al. 1er, du Code wallon du logement et de l’habitat durable, et art. 3 et 4 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 30 août 2007 relatif à la procédure en matière de respect des critères de salubrité des logements et de la présence de détecteurs d'incendie, M.B., 30 octobre 2007), mais seule une commune sur cinq environ a introduit une demande en ce sens à ce jour.
Il est vrai également que les communes sont autorisées à porter plainte auprès des instances régionales aux fins de déclencher la procédure conduisant le cas échéant à déclarer le logement insalubre (art. 7, §2, al. 2, 2°, du Code bruxellois du logement par exemple, à lire en combinaison avec l’art. 2, §1er, 4°), mais le temps que cette démarche aboutisse, le délai de vingt jours à l’intérieur duquel l’autorité locale est censée notifier sa décision quant à la demande d’inscription (art. 7, §5, al. 2, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992) sera largement dépassé...
[36] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 14.
[37] Art. 1er, §1er, al. 1er, 1°, al. 2, de la loi du 19 juillet 1991.
[38] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 14, souligné par nous (« seule l’instance judiciaire ou administrative compétente en la matière constate l’insalubrité, après quoi l’intéressé est inscrit au registre de la population »).
[39] Art. 8, al. 1er, du Code bruxellois du logement et art. 7, al. 1er, du Code wallon du logement et de l’habitat durable.
[40] Fût-ce implicitement. On vise par là l’attitude d’une commune qui, sans repousser formellement la demande d’inscription, prend argument d’une surcharge de travail pour différer indéfiniment le moment de la traiter (cf. Civ. Bruxelles (réf.), 9 décembre 1992, T. vreemd., 1993, p. 39). Cette « tentation » est d’autant plus aiguë que l’arrêté royal de 1992 n’attache aucune sanction au non respect des délais assignés à la commune pour donner suite à la déclaration de résidence de l’intéressé (art. 7, §5, al. 2, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992), hors l’application de l’amende pénale — peu exploitée cependant — que le texte associe de manière générale à ses dispositions (art. 23 de l’arrêté royal du 16 juillet 1992).
[41] Art. 8 de la loi du 19 juillet 1991.
[42] C.E. (VI), 26 mai 2008, Leclercq, n°183.377
[43] Ou le fonctionnaire dirigeant l'administration qui a la population dans ses attributions.
[44]Ou le fonctionnaire en question. Cf. l’art. 8, §1er, al. 1 à 3, de la loi du 19 juillet 1991.
[45] Ou de son délégué.
[46] Art. 8, §2, de la loi du 19 juillet 1991. Voy. également l’art. 11, al. 1er, 4°, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992.
[47] C.E. (VI), 25 octobre 2005, Gérard et Scimone, n°150.665.
[48] Loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, M.B., 12 septembre 1991.
[49] C.E. (IV), 12 juin 1996, Redant et Van Den Driessche, n°60.104.
[50] Voy. C.E. (XII), 14 septembre 1999, Van Den Bogaert, n°82.258.
[51] C.E. (VI), 6 mars 2002, van Delft, n°104.382.
[52] Art. 8, §1er, al. 1er, de la loi du 19 juillet 1991.
[53]Cf. C.E. (VI, réf.), 10 novembre 1992, n°40.978, Miandabo Mbuyi.
[54] C.E. (XV), 27 novembre 2014, Tellin, n°229.392.
[55]Art. 8, §1er, al. 1er, de la loi du 19 juillet 1991, remplacé par l’art. 12, 1°, de la loi du 9 novembre 2015, souligné par nous.
[56]« [S]eules les contestations relatives au lieu de la résidence pourront faire l’objet d’une enquête quant à la réalité de la résidence. Toute autre considération que le lieu motivant la contestation sera ainsi rejetée » (projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 9 et 10).
[57] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 9.
[58] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 9.
[59] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 9.
[60] Par exemple, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour, schématiquement, l’application insuffisante de sa législation sur le droit au logement dit opposable (DALO). Pourtant, l’État français n’a pas manqué d’invoquer à l’appui de sa carence le manque de moyens budgétaires (qui complique considérablement l’octroi d’un logement social aux individus ayant obtenu en justice qu’un tel bien leur soit accordé en urgence), mais ce genre d’explication empirique « ne se fonde sur aucune justification valable », réplique la haute juridiction; autrement dit, « une autorité de l’État ne peut prétexter du manque de fonds ou d’autres ressources pour ne pas honorer, par exemple, une dette fondée sur une décision de justice » (arrêt Tchokontio Happi c. France du 9 avril 2015, §50). Cette décision fait écho à la jurisprudence de la même Cour (dans un domaine approchant — quoique inversé pour ainsi dire) selon laquelle l'absence de solution de relogement ne saurait excuser l’inertie de l’État à appliquer une expulsion décidée par un juge (cf. entre autresCour eur. dr. h., arrêt Prodan c. Moldova,18 mai 2004, §53 et Cour eur. dr. h., arrêt Kukalo c. Russie, 3 novembre 2005, §49).
Appelé pour sa part à évaluer la légalité des mesures anti-austérité en Grèce, le Comité européen des droits sociaux y a vu (à l’unanimité) des violations de dispositions de la Charte sociale européenne, estimant que « même lorsqu’en raison de la situation économique d’un État partie, il est impossible à un État de maintenir le régime de protection sociale au niveau qu’il avait précédemment atteint, il est nécessaire, sur la base des dispositions de l’article 12§3, que l’État partie s'efforce de maintenir ce régime à un niveau satisfaisant, en tenant compte des attentes des bénéficiaires du système et du droit de tout individu à bénéficier réellement du droit à la sécurité sociale. Cette exigence est fondée sur l’engagement des États parties à ‘s’efforcer de porter progressivement le régime de sécurité sociale à un niveau plus haut’, clairement énoncée à l’article 12§3 » (C.E.D.S., Syndicat des Pensionnés de la Banque agricole de Grèce (ATE) c. Grèce, 7 décembre 2012 (fond.), récl. 80/2012, §65). Par ailleurs, « une plus grande flexibilité dans le travail pour lutter contre le chômage ne peut pas conduire à priver de larges catégories de salariés, singulièrement ceux qui ne sont pas depuis longtemps titulaires d’emplois stables, de leurs droits fondamentaux en matière de travail, contre l’arbitraire de l’employeur ou les aléas de la conjoncture » (C.E.D.S., Fédération générale des employés des compagnies publiques d’électricité (GENOP-DEI) et Confédération des syndicats des fonctionnaires publics (ADEDY) c. Grèce, 23 mai 2012 (fond.), récl. 65/2012, §18). De manière générale, « la crise économique ne doit pas se traduire par une baisse de la protection des droits reconnus par la Charte. Les gouvernements se doivent dès lors de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces droits soient effectivement garantis au moment où le besoin de protection se fait le plus sentir » (Introduction générale des Conclusions XIX-2, 2009).
[61] Voy. l’art. 12.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (« Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence »), l’art. 13.1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (« Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État ») ainsi que l’al. 3 du Préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
[62] Art. 3.2 du Traité sur l’Union européenne. Voy. également l’art. 26.2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; la liberté d’établissement est cependant appréhendée ici sous l’angle économique.
[63] Exposé des motifs ou Commentaire des articles.
[64] Voy. les art. 14, §1er, al. 1er, 1°, et 17, §1er, al. 1er, des lois coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État, M.B., 21 mars 1973.
[65] « Un citoyen peut toujours introduire un recours auprès du Conseil d’État ou d’un tribunal civil contre une décision communale relative à son inscription dans les registres de la population » (circulaire du 22 décembre 2015, p. 5). Sur cette circulaire, voy. supra, note infrapaginale 2, in fine.
[66] Cass., 17 novembre 1994, J.T., 1995, p. 316, note B. Haubert et Journ. proc., n°275, 1995, p. 26, note F. Tulkens. Voy. également Anvers, 1er décembre 2003, N.j.W., 2004, p. 664, note S. Lust, ainsi que Liège (I) 5 janvier 2004, J.L.M.B., 2004, p. 395. En matière de délivrance de cartes d’identité, voy. plutôt C.E. (VIII), 5 septembre 2006, Gurich, n°162.270.
[67] Cass., 17 novembre 1994, J.T., 1995, p. 316, note B. Haubert. Voy. également Cass., 22 décembre 2000, J.T., 2003, p. 66.
[68] Art. 568, al. 1er, du Code judiciaire.
[69]Cf. Mons, 21 avril 2006, R.G.D.C., 2008, p. 138, Anvers, 1er décembre 2003, N.j.W., 2004, p. 664, note S. Lust ainsi que, en matière de radiation, Bruxelles (II), 8 décembre 2005, J.T., 2006, p. 77.
[70] Il n’y a qu’à demander aux « occupants précaires » du bâtiment sis au 123 rue Royale comment ils sont parvenus finalement à se faire inscrire à la Ville de Bruxelles...
[71] Voy. supra n°22.
[72] Décrit notamment par. I. HACHEZ, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, Bruxelles, Bruylant, Athènes, Sakkoulas, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 2008, I. HACHEZ, « La consécration du principe du standstill... à l'envers ! », Journ. dr. j., 2001, n°206, p. 19 et s., N. BERNARD, « La pauvreté écartelée entre deux temporalités (apparemment) contradictoires », L’accélération du temps juridique, sous la direction de Ph. Gérard, Fr. Ost et M. van de Kerchove, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2000, p. 845 et s., I. HACHEZ, « L'effet de standstill : le pari des droits économiques, sociaux et culturels ? », A.P.T., 2000/1, p. 30 et s. et N. BERNARD, « L'effet de standstill attaché à l'article 23 de la Constitution », Le Phare (périodique trimestriel du Syndicat des locataires de logements sociaux a.s.b.l.), octobre-novembre-décembre 2000, p. 12 à 15.
[73]Pour le droit au travail (ou plutôt le droit de ne pas travailler sous la contrainte ou le droit à des indemnités de procédure dans le contentieux social) : respectivement C.A., 14 décembre 1995, n°81/95 etCour trav. Bruxelles (III), 6 mars 2009, J.T.T., 2009, p. 301, note. Pour le droit à l’aide sociale : C.A., 14 janvier 2004, n°5/2004. Pour le droit à un environnement sain: C.C., 16 décembre 2010, n°139/2010, C.C., 9 juillet 2009, n°114/2009, C.C., 18 novembre 2010, n°131/2010, C.E. (X), 11 mars 2009, Apers et consorts, n°191.266, C.E., 5 février 2009, Tardel, n°190.179, C.E., 17 novembre 2008, Coomans et consorts, n°187.998, J.L.M.B., 2009, p. 73, note A. Vandeburie, C.E. (X), 9 avril 2004, Red de Erpe– and Siesegemkouter, n°130.211, C.C., 1er septembre 2008, n°121/2008, C.C., 31 juillet 2008, n°114/2008, C.A., 14 septembre 2006, n°137/2006 et, enfin, C.E. (VII), 29 avril 1999, Jacobs, n°80.018 ; voy. toutefois Liège, 29 juin 2004, N.j.W., 2004, p. 987, obs. V. Staelens.
[74] Voy. supra n°9 et s.
[75]Cf. sur cette question N. BERNARD, « L’inscription provisoire dans les registres de la population. Éradiquer l’occupation illégale…ou l’illégalité de l’occupation ? », Chr. D.S., 2012, p. 396 et s.
[76] Le temps présent s’indique encore (plutôt que l’imparfait) dans la mesure où, comme expliqué (n°10), l’arrêté royal de 1992 n’a point été corrigé en conséquence.
[77] Question n°1.230 (« Loi portant dispositions diverses Intérieur du 9 novembre 2015 - Conséquences pour les résidents des domaines ») posée le 25 avril 2016 par M. Georges Gilkinet à M. Jan Jambon, vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiment, Bull. Q. R., n°54-073, 17 mai 2016, p. 103.
[78] Art. 16, §2, al. 4, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992.
[79] Art. 12, al. 1er, spéc. 3° et 4°, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992 ; l’adoption d’un arrêté d’inhabitabilité, par exemple, n’en fait pas partie. Cf. sur le thème Ph. VERSAILLES, N. BERNARD et al., « La domiciliation administrative », Droits quotidiens, n°94, mai 2005, p. 4 et s.
[80] Dénoncé notamment par D. DÉOM et P. THIEL, « Aperçu des règles de gestion des registres de la population », Droit communal, 1995, p. 167.
[81] Préalablement en effet, la commune, siège de la nouvelle résidence principale, doit opérer l’inscription (d’office) de l’intéressé et ce, afin d’éviter de placer ce dernier dans un préjudiciable anonymat administratif. Voy. pour une illustration Bruxelles (II), 8 décembre 2005, J.T., 2006, p. 77. Cf. également C.E., 30 mars 1993, n°42.499.
[82] Voy. l’art. 8, al. 2, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992. On rajoutera, pour le surplus, que cette régression se conçoit d’autant moins dans le cadre locatif que, généralement, la survenance d’une cause d’insalubrité n’est pas à imputer au preneur, lequel en est la première victime plutôt (certes, la survenance de certaines déficiences doit plutôt être attribuée au locataire — comme l'humidité par condensation, provoquée par une suroccupation du bien couplée à une aération insuffisante des locaux — mais force est de constater que ces cas sont minoritaires, pour ne pas dire marginaux). Et, par ailleurs, il peut arriver que le locataire précarisé (pressé de trouver un toit, quel qu’il soit) signe le bail sans que son cocontractant l’ait préalablement informé de la déclaration d’inhabitabilité ayant frappé le logement. En l’absence d’obligation d’apposition de scellés sur le bien reconnu impropre à l’habitation, pareille remise en location — sous le manteau en quelque sorte — n’est malheureusement pas chose exceptionnelle.
[83] Art. 1er, §1er, al. 1er, 1°, al. 2, in fine, de la loi du 19 juillet 1991.
[84] Sur cette question délicate, voy. entre autres N. BERNARD, « Le relogement des personnes occupant un immeuble frappé par un arrêté d’inhabitabilité », Droit communal, 2013, n°3, p. 34.
[85] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 11.
[86] Voy. supra n°7.
[87] Art. 1er, §1er, al. 1er, 1°, al. 2, de la loi du 19 juillet 1991.
[88]Même en matière de squat, par exemple, il n’y a pas que l’expulsion à pouvoir purger l’occupation de sa charge d’irrégularité. Conscient en effet des avantages que cette installation — certes non autorisée — peut lui offrir (en termes d’éludement de la taxe sur les bâtiments vides, notamment), le propriétaire décide parfois de légaliser a posteriori la situation et, concrètement, de conclure un contrat en bonne et due forme (dit d’occupation précaire) avec ces intrus qui, désormais, ne le sont plus (cf. pour de plus amples renseignements N. BERNARD, « Bail, résiliation pour occupation personnelle et convention d’occupation précaire : une clarification bienvenue », R.G.D.C. 2015, p. 391 et s.).
Il en va de même avec la résidence de week-end et le chalet sis en zone touristique qui font l’objet d’une occupation permanente, dans la mesure où les autorités sont toujours susceptibles de régulariser une telle implantation en modifiant les affectations urbanistiques ; c’est précisément, à propos de certaines parcelles situées en zone non inondable, ce à quoi se sont engagées les autorités wallonnes wallon dans le plan « Habitat permanent » (voy. notamment la réponse donnée le 1er juin 2010 par Ph. Henry, Ministre wallon de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité, à la question orale sur « Les difficultés de régularisation dans les zones de loisirs » posée par W. Borsus, C.R.I.C., Parl. w., sess. 2009-2010, n°135, p. 25).
Pour ce qui est maintenant de l’insalubrité, le jeu est ouvert également. C’est que la fermeture du bien ne constitue pas le seul levier mis à la disposition des autorités, tant s’en faut. Parfois même, elle n’est envisagée qu’en dernière instance (en dehors de l’hypothèse de la menace immédiate que ferait peser sur la santé et l’intégrité physique des occupants une habitation lourdement dégradée). Peut, d’abord, être imposée ainsi au propriétaire la réalisation des travaux propres à restaurer l’habitation (et, de la sorte, la rendre conforme aux normes de salubrité). L’arrêté d’inhabitabilité n’intervient alors qu’en dernier recours, lorsque les réfections exigées n’ont pas été effectuées, ou insuffisamment. Les préceptes civils du droit du bail ne disposent pas autrement, eux qui ménagent au preneur habitant un bien insalubre la possibilité de réclamer, en lieu et place de la résolution du contrat de location, l’exécution forcée des réparations, avec réduction de loyer dans l’attente (art. 2, §1er, al. 6, de la section 2 du chapitre II du titre VIII du livre III du Code civil). Cette phase préalable de réalisation des travaux est expressément prévue aussi par les réglementations régionales en matière de qualité des logements (art. 7, §3, al. 1er, du Code bruxellois du logement) ; elle est même obligatoire, à moins que les manquements s'avèrent susceptibles de mettre en péril la sécurité ou la santé des occupants.
[89]« L'inscription provisoire d'un citoyen [engendre] les mêmes conséquences qu'une inscription "ordinaire" », a rassuré — récemment encore — le ministre compétent (de l’Intérieur). « Au niveau du citoyen, il n'y a aucun changement concernant son inscription aux registres de la population » (réponse donnée par M. Jan Jambon, vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiment, à la question n°1.230 — « Loi portant dispositions diverses Intérieur du 9 novembre 2015 - Conséquences pour les résidents des domaines » — posée le 25 avril 2016 par M. Georges Gilkinet, Bull. Q. R., n°54-073, 17 mai 2016, p. 105).
[90] L’expulsion consécutive à un manquement contractuel par exemple requiert une décision de justice préalable. Si, en revanche, on a affaire à un arrêté d’inhabitabilité (qu’il soit pris sur pied de l’article 133 ou 135 de la nouvelle loi communale), l’autorité administrative qu’est le bourgmestre est susceptible de procéder à l’exécution forcée de son arrêté sans recourir préalablement à la justice. Cf. sur cette dernière question M. NIHOUL, Les privilèges du préalable et de l'exécution d'office, Bruxelles, Bruges, La Charte, 2001, p. 469 et s., P. GOFFAUX, Dictionnaire élémentaire de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.50 et s., ainsi que P. GOFFAUX, L'inexistence des privilèges de l'administration et le pouvoir d'exécution forcée, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 346 et s. ; voy. dans le même sens, mais a contrario (« à défaut de texte légal l'y habilitant et en l'absence de circonstances particulières nécessitant une intervention urgente en vue d'éviter une atteinte grave à l'ordre public, l'autorité communale ne peut procéder à l'exécution d'office, en dehors du domaine communal, des mesures qu'elle a édictées, sans recours préalable au juge »), Cass., 20 janvier 1994, Droit communal, 1994, p. 232, note M. Nihoul.
[91]Ainsi, « l’inscription définitive n’implique pas une légalisation de la situation. Les procédures judiciaires et administratives peuvent toujours être entamées ou poursuivies même, après l’inscription définitive », résume Christophe Verschoore, attaché au Service population et cartes d’identité du S.P.F. Intérieur. « Ce mécanisme de l’inscription provisoire permet sous certaines conditions, de remettre en question la situation de résidence, sans porter préjudice aux droits liés à l’inscription dans les registres des personnes concernées pendant la période qui précède une décision administrative ou judiciaire. Le refus d’inscription et l’inscription sans adresse ne sont plus admissibles » (Chr. VERSCHOORE, "L'habitat alternatif sous l'angle de l'inscription aux registres de la population", La norme à l'épreuve de l'habitat alternatif, sous la direction de N. Bernard, Bruxelles, La Charte, 2012, p. 114).
[92] M. QUINTIN et B. JADOT, "La qualité des logements : dispositions de police administrative et règles en matière de bail à loyer", Droit communal, 2000, p. 103.
[93] Projet de loi portant des dispositions diverses Intérieur, exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2014-2015, n°54-1298/001, p. 11.
[94]Loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, M.B., 18 mars 1993.
[95] Colocation, habitat solidaire, squat, habitat permanent en zone de loisir, …
[96] Voy. supra n°29.
[97] Du reste, le maintien de l’infraction — et pas simplement sa commission — est également incriminé (art. 300, 2°, du Code bruxellois de l'aménagement du territoire ; cf. notamment Cass., 14 mars 1989, Pas., 1989, I, p. 727).
[98]Voy. notamment Cass., 10 janvier 2012, A.P.T., 2012, p. 489, Cass., 2 mai 2006, Pas., 2006, p. 997 et Cass., 13 mai 2003, Pas., 2003, p. 970. Cf. également B. LOUVEAUX, « Urbanisme. L'infraction de maintien de travaux illicites pèse sur le propriétaire », Immobilier, 2004, n°18, p. 1 et s.
[99]Art. D.VII.1, §2, al. 2, du Code de développement territorial.
[100] Art. 6.1.1 et 6.1.41, §5, du Code de l'aménagement du territoire.
[101] P. 5 (souligné par nous).
[102] Voy. supra n°11.