Interview avec Pierre-Yves Dermagne, député wallon.

(publiée 30 mars 2016)


Depuis les éléctions régionales du 25 mai 2014, M. Pierre-Yves Dermagne (né à Namur en 1980) est député wallon de la Communauté française. En même temps, et ceci depuis les élections communales du 8 octobre 2012, il est Premier échevin de la commune de Rochefort. M. Dermagne est membre du Parti Socialiste.

 

M. Dermagne s’est intéressé aux problèmes des habitants des ‘domaines’. En 2015 il visitait les ‘domaines’ de Philippeville. Avec le slogan "Habitat Permanent – Stop aux stigmatisations, place aux solutions" le député wallon s’engage contre la nouvelle loi qui modifie le régime des domiciliations provisoires. En même temps il annonce une "mission mandatée par le Gouvernement wallon pour dégager des pistes de solution à cette thématique de l’Habitat permanent. (Voir : Communiqué de presse du 24 février 2016)

 

Voici l’interview avec Pierre-Yves Dermagne, dans laquelle les habitants de La Forêt et d’autres ‘domaines’ trouveront de l’espoir pour l’avenir.

 

- Bonjour Monsieur Dermagne, merci de nous accorder cette interview. Tout d’abord, d’où vient votre intérêt dans la cause des habitants des ‘domaines’ ?

PYD : Il y a d'abord la particularité de notre arrondissement de Dinant-Philippeville, où je vis depuis mon enfance, et qui concentre un grand nombre de « domaines », notamment à Hastière, Philippeville, Couvin… Aussi, avant d'être élu au Parlement wallon, j'ai travaillé pour la Ministre Eliane Tillieux, alors en charge de l'Action sociale et donc du Plan Habitat permanent, ce qui m'a familiarisé avec la thématique.

Enfin, le plus important, le déclic, ça a été la décision du Gouvernement wallon, il y a un an, de mandater trois députés, dont je suis, pour mener une Mission parlementaire Habitat permanent. Nous avons commencé ce travail par plusieurs visites de terrain qui nous ont permis de comprendre en profondeur la réalité de la vie dans les domaines. Ces visites nous ont véritablement ouvert les yeux.

 

- En fait, à La Forêt (et dans d’autres ‘domaines’), c’étaient des spéculateurs qui avaient, dans le temps (à La Forêt en 1967), d’une manière tout à fait illégale, divisé le bois en plusieurs lots pour les vendre (et en devenir très riche). Les autorités locales ont fermé les jeux. Plus tard, les habitants ont fait tout pour faire plaisir aux autorités (construire et gérer eux-mêmes des routes, les réseaux d’électricité, d’eau, ...), afin d’obtenir le permis de lotir et de bâtir si désirés. Aujourd'hui ces habitants sont à nouveau le cible d’une nouvelle loi modifiant le régime des domiciliations provisoires. Comment est-ce possible que les autorités fédérales et régionales les traitent comme ça ? N’est-ce pas une flagrante infraction des droits de l’homme ?

PYD : Je partage totalement votre lecture de la manière dont, souvent, des gens peu scrupuleux se sont enrichis en transformant ou revendant des domaines.

Concernant la récente loi du Parlement fédéral modifiant le régime des domiciliations provisoires, je me suis exprimé officiellement par communiqué de presse : cette loi est une vexation de plus faite à vous tous qui vivez en Habitat permanent. Je regrette qu'elle ait été votée sans, visiblement, que les Députés fédéraux n'aient envisagé toutes les conséquences négatives qu'elle peut engendrer en matière d'Habitat permanent.

 

- Une concertation des trois ‘domaines’ de Philippeville (La Forêt, le Bois de Roly et les Valisettes) avait comme conclusion qu’il y a deux pistes pour s’en sauver :

"1 - La suppression de l’article qui cite comme infraction le fait de résider en zone de loisirs ;

2- La reconversion de nos zones de loisirs en zones d’habitat à caractère rural, alternatif ou autre, permettant l’élection de domiciles en toute sérénité."

Vous avez communiqué que vous allez prendre des initiatives. Quelles sont ces "pistes de solution" que vous mentionnez dans votre communiqué de presse ? Avec quels parlementaires ?

PYD : Vous touchez là à l'objectif essentiel de la Mission Habitat permanent, que je mène avec mes collègues Savine Moucheron et Philippe Dodrimont (1). Notre but est de proposer au Gouvernement wallon un portefeuille de solutions, une « boîte à outils » : face à la diversité des situations rencontrées en matières d'Habitat permanent, je pense qu'il ne faut pas essayer de globaliser, mais d'évaluer au cas par cas, domaine par domaine.

La solution prioritaire relève de l'Aménagement du territoire, en effet. Sans brûler la politesse au Gouvernement wallon qui aura la primeur de notre rapport, je peux vous dire que notre solution privilégiée serait de reconvertir les zones de loisirs concernées en un nouveau type de zone, à créer,  "alternatif ou autre", comme vous dites.

 

- Ces démarches seraient pour quand ?

PYD : Si tout se déroule comme prévu, nous rendrons notre rapport avant l'été au Gouvernement wallon.

 

- Est-ce que vous êtes optimiste que les choses peuvent vraiment s’améliorer et se régulariser?

PYD : Tout à fait. La démarche que nous menons est inédite. D'abord, sur la forme, puisque ce genre de « Mission parlementaire » n'avait encore jamais été testé en Belgique. Nous sommes trois parlementaires de trois partis différents, tant de la majorité que de l'opposition en Région wallonne.

Ensuite sur le fond : outre les nombreuses visites de terrain, nous avons multiplié les rencontres avec des opérateurs bien définis (les Fonctionnaires délégués à l'Urbanisme, les fournisseurs d'électricité et d'eau, le Commissariat général au Tourisme, les associations de terrain…). La principale impression qui en ressort, c'est que tous les acteurs concernés par l'Habitat permanent ont la volonté d'améliorer le quotidien de ses résidents. Ce qui a manqué jusqu'ici, c'est peut-être un peu de dialogue entre tout le monde.

 

- Les habitants de La Forêt que devraient-ils faire pour aider leur cause ?

PYD : Je n'ai pas de leçon à donner à quiconque. Je pense que le premier interlocuteur du citoyen, c'est la Commune. Pour connaître un peu Philippeville, je sais qu'il y a, à l'administration communale, des personnes particulièrement attentives à l'Habitat permanent et qui se démènent pour améliorer votre

quotidien. Outre ce premier échelon, ce que je peux vous conseiller, c'est un peu de patience : notre travail va porter ses fruits.

Je sais qu'on vous promet beaucoup depuis longtemps, et qu'au quotidien, des vexations comme la loi sur les domiciliations provisoires peuvent miner le moral. Mais on ne peut pas régler en deux semaines une situation qui s'est complexifiée depuis des décennies.

 

- Que pensez-vous de la démarche de la bourgmestre de Somme-Leuze, Mme Valérie Lecomte, qui a décidé de continuer à accorder des domiciliations définitives (là, où il n’y a pas de problèmes de sécurité et de salubrité) ? Une démarche à suivre ?

PYD : Je peux comprendre sa démarche et sur l'idée, je la soutiens pleinement. Mais j'ai la crainte que la belle intention ne se transforme en piège : en déclarant ouvertement qu'elle n'appliquera pas la loi, ne risque-t-elle pas de fragiliser encore un peu plus l'image de l'Habitat permanent ? C'est une question que je me pose.

 

- Pouviez-vous nous tenir au courant de l’évolution de votre initiative ?

PYD : Bien sûr !


(1)


- Savine Moucheron (cdH) : Députée au Parlement wallon et à la Communauté française (suppléante de Carlo Di Antonio, ministre).

 

- Philippe Dodrimont (MR) : Député au Parlement wallon.